Poésie gothique, humour mordant et amour des marginaux : retour sur les cinq décennies de carrière de Tim Burton, génie de l’étrange dont les films, intimes ou blockbusters, offrent un refuge aux laissés-pour-compte d’une société normative.

Aussi loin qu’il s’en souvienne, Tim Burton s’est toujours senti irrésistiblement attiré par les monstres. Né dans la banlieue pavillonnaire de Los Angeles, à deux pas de Hollywood, ce grand timide, en constant décalage avec ses pairs, observe d’un œil distancé l’Amérique des sixties qui le voit grandir, tout en cultivant un imaginaire irrigué par le cinéma gothique et les films de série B. Il ne quittera jamais tout à fait l’univers de l’enfance… Après un début de carrière peu inspiré comme animateur pour les studios Disney, un court métrage (Vincent, en 1982, hommage savoureux aux films expressionnistes) et un film de commande, c’est Beetlejuice, en 1988, qui impose définitivement son style unique, mélange d’horreur et de comédie. Face à un Michael Keaton en roue libre, la jeune Winona Ryder y incarne déjà l’un de ces personnages de marginaux dont Tim Burton émaillera sa filmographie. À l’image de son chef-d’œuvre, Edward aux mains d’argent (1990), qui marque la grande rencontre avec Johnny Depp. Celui qui deviendra son acteur fétiche (et héros blafard de Sleepy Hollow, Sweeney Todd ou Dark Shadows) y incarne un homme-machine aux yeux tristes, être doux mais inadapté à une société du paraître, et que ses étranges talents transforment en bête de foire. Soit un parfait alter ego du réalisateur. Parallèlement aux blockbusters que lui confient des studios rassurés par ce nom désormais bankable (les deux Batman, Charlie et la chocolaterie, Alice au pays des merveilles ou Dumbo…), auxquels Burton imprime sa patte, les films les plus personnels du cinéaste – d’Ed Wood (1994) à Big Fish (2003) – restent ses plus émouvants. Un hommage à celles et ceux qui, comme lui, voient dans l’invisible, bousculent les convenances et ne rentrent dans aucune case…

« Weirdo » autoproclamé

« Peu importe que vous ayez fait vos preuves, s’ils vous trouvent bizarre, vous resterez bizarre, quel que soit le nombre de succès que vous produirez. Ils s’imaginent que vous allez courir sur le plateau avec une hache. » Émaillé de savoureuses archives, où transparaît la personnalité introvertie et excentrique du réalisateur, weirdo  (« bizarre « ) autoproclamé, ce documentaire explore près de cinq décennies d’une riche filmographie en forme d’autoportrait. En conjuguant de sa patte inimitable les tourments de l’enfance et les doutes de l’âge adulte, Tim Burton, génie de l’étrange, continue de toucher un immense public et fait de ses films un refuge aux laissés-pour-compte d’une société violente et normative.

Documentaire de Sophie Peyrard (France, 2024, 53mn)
Disponible jusqu’au 21/11/2025