Infographie | 4 infos insolites sur ChatGPT

L’avènement de ChatGPT en novembre 2022 a marqué une rupture technologique sans précédent, comparable à l’arrivée d’Internet ou du smartphone. Pourtant, au-delà des discours convenus sur la productivité, l’automatisation du travail ou les craintes académiques, se cache une réalité bien plus nuancée et, disons-le, beaucoup plus humaine.

L’outil d’OpenAI n’est pas seulement une encyclopédie conversationnelle ou un assistant de codage ; il est devenu, par la force des usages, un miroir de nos besoins sociaux, ludiques et existentiels.

Le nouveau coach en séduction de la génération Z

La séduction a toujours été un art difficile, fait de non-dits, d’hésitations et de la peur constante du rejet. Dans un monde dominé par les applications de rencontre comme Tinder, Bumble ou Hinge, la concurrence est rude et la capacité à capter l’attention en quelques secondes est devenue une compétence critique.

C’est ici qu’intervient ChatGPT, endossant le rôle inattendu d’un Cyrano de Bergerac numérique.

Pour des milliers d’utilisateurs, l’IA est devenue le remède miracle contre l’angoisse de la page blanche. Il ne s’agit plus seulement de corriger des fautes d’orthographe, mais de sculpter une personnalité numérique attractive. L’utilisateur fournit ses centres d’intérêt, ses passions, voire ses défauts, et demande à l’algorithme de générer une biographie qui soit à la fois spirituelle, mystérieuse et engageante.

L’intelligence artificielle analyse des millions de profils réussis pour comprendre ce qui fonctionne : l’humour, l’autodérision et l’originalité. Mais le phénomène va plus loin que la simple rédaction de profil. Une fois le « match » obtenu, la conversation s’engage, et avec elle, la panique de la première phrase. De nombreux utilisateurs copient-collent désormais les messages de leurs interlocuteurs dans ChatGPT pour demander : « Que dois-je répondre pour paraître drôle mais pas trop insistant ? ».

Cette pratique soulève une question fascinante sur l’authenticité relationnelle. Si les premiers échanges, ceux qui créent l’étincelle, sont intégralement générés par une machine, de qui tombe-t-on réellement amoureux ? Est-ce de la personne derrière l’écran ou de la capacité de l’IA à simuler une compatibilité parfaite ?

Paradoxalement, cette béquille technologique permet à des personnes timides ou socialement anxieuses de briser la glace, leur donnant la confiance nécessaire pour, éventuellement, prendre le relais sans assistance.

L’assistant juridique qui divise les tribunaux

Si l’usage de l’IA dans la séduction prête à sourire, son intrusion dans le monde judiciaire provoque des sueurs froides. Le domaine du droit, réputé pour son conservatisme et sa rigueur absolue, a été percuté de plein fouet par la réalité technologique lorsqu’un juge colombien, Juan Manuel Padilla, a admis avoir utilisé ChatGPT pour rendre une décision de justice.

L’affaire concernait le droit à la santé d’un enfant autiste et la prise en charge de ses frais médicaux et de transport. Le juge, cherchant à accélérer une procédure souvent lourde et lente, a interrogé l’IA sur la jurisprudence locale et les textes de loi applicables.

Il a ensuite intégré les arguments fournis par la machine dans son jugement final. Cette démarche, qu’il a justifiée par un souci d’efficacité et d’optimisation du temps judiciaire, a créé un précédent mondial.

Ce cas illustre la tension extrême entre le gain de productivité et l’éthique professionnelle. D’un côté, les systèmes judiciaires du monde entier sont engorgés, et l’IA pourrait théoriquement traiter des dossiers simples à une vitesse surhumaine, libérant les juges pour des affaires complexes. De l’autre, la fiabilité de l’outil pose un problème majeur.

Les modèles de langage sont connus pour leurs « hallucinations », c’est-à-dire leur capacité à inventer des faits, des lois ou des précédents juridiques avec un aplomb déconcertant. Confier, même partiellement, le sort d’un justiciable à un algorithme probabiliste remet en cause le principe même de la justice humaine, fondée sur l’interprétation, la conscience et la responsabilité.

L’initiative du juge Padilla n’est probablement que la première d’une longue série, forçant les législateurs à tracer une ligne rouge entre l’assistance documentaire et la prise de décision.

Un architecte de mondes virtuels et scénariste infatigable

Loin des tribunaux, ChatGPT a trouvé un terrain de jeu idéal dans l’industrie du divertissement, et plus particulièrement dans le jeu vidéo et le jeu de rôle. Historiquement, créer un jeu vidéo narratif ou organiser une partie de « Donjons et Dragons » demandait des compétences techniques pointues ou des heures de préparation scénaristique. L’IA a démocratisé la création d’univers.

Pour les amateurs de jeux de rôle sur table, l’IA est devenue le « Maître du Donjon » ultime. Elle ne se fatigue jamais, ne manque jamais d’inspiration et peut générer des descriptions de lieux, des noms de personnages non-joueurs (PNJ) et des intrigues secondaires à la volée.

Si les joueurs décident soudainement de partir explorer une forêt qui n’était pas prévue dans le scénario, ChatGPT peut inventer la faune, la flore et les mystères de cette forêt en quelques secondes, maintenant l’immersion sans interruption.

Mais la véritable révolution se situe dans le développement de jeux vidéo textuels. Auparavant, coder un jeu d’aventure textuel (où le joueur tape ses actions) nécessitait de connaître des langages comme Python ou C#. Aujourd’hui, n’importe qui peut demander à l’IA : « Crée-moi un jeu textuel qui se passe dans un vaisseau spatial abandonné, où je dois survivre à une menace alien ».

L’IA ne se contente pas d’écrire l’histoire ; elle peut générer le code informatique nécessaire pour rendre le jeu jouable immédiatement. Cela ouvre la porte à une forme de narration procédurale infinie.

Contrairement à un jeu classique où les dialogues sont pré-écrits par des scénaristes et donc limités, un jeu propulsé par un modèle de langage peut offrir des conversations uniques à chaque partie. Le joueur ne choisit plus une réponse parmi trois options ; il peut taper ce qu’il veut, et le jeu s’adapte. C’est un changement de paradigme total pour l’immersion ludique.

Une imagination artificielle face à l’absurde

Enfin, il est un domaine où l’on n’attendait pas forcément une machine logique : la poésie de l’absurde et la pensée abstraite. Les tests de Turing classiques visaient à savoir si une machine pouvait se faire passer pour un humain dans une conversation normale.

Mais les utilisateurs ont rapidement découvert que le véritable test de l’intelligence moderne résidait dans la capacité à gérer le non-sens.

La question « Si tu étais un fruit, lequel serais-tu ? » est devenue un standard pour tester la créativité de l’IA. Une machine « bête » ou un simple moteur de recherche répondrait qu’elle est un programme informatique et qu’elle n’a pas de forme physique. ChatGPT, lui, accepte la prémisse du jeu. Il fait preuve d’une forme de pensée latérale.

Lorsqu’il répond qu’il serait un ananas ou une grenade, il ne choisit pas au hasard. Il justifie son choix par des métaphores complexes : l’ananas pour sa structure extérieure rugueuse et complexe (le code, les serveurs) protégeant une douceur intérieure (l’aide apportée aux humains), ou la grenade pour la multitude de graines représentant les milliards de données qu’il contient.

Cette capacité à filer la métaphore prouve que le modèle a intégré des concepts humains très subtils liés à la symbolique et à l’association d’idées. Il ne se contente pas de calculer ; il « imagine » une projection de lui-même dans un objet organique. Cela peut sembler anecdotique, mais c’est une avancée majeure en matière d’interface homme-machine.

Si une IA peut comprendre l’humour, l’absurde et l’analogie, elle devient capable de comprendre l’intention humaine au-delà des mots littéraux. C’est ce qui rend l’interaction avec ChatGPT parfois troublante, nous donnant l’illusion d’une conscience là où il n’y a que des statistiques.