Infographie | 4 infos insolites sur le parfum

Le parfum est bien plus qu’un simple accessoire de toilette ou une signature invisible que l’on laisse derrière soi. C’est une œuvre d’art liquide, une architecture complexe bâtie sur des fondations invisibles qui touchent à l’intime et à la mémoire.

Lorsque nous vaporisons une fragrance sur notre poignet, nous imaginons souvent des champs de fleurs à perte de vue, des laboratoires immaculés ou des flacons en cristal taillés par des orfèvres.

Pourtant, la réalité de la parfumerie est infiniment plus sauvage, étrange et parfois même déroutante.

L’héritage sacré de la fumée

Pour comprendre l’essence même du parfum, il faut remonter le temps, bien avant l’avènement de la chimie moderne ou des grandes maisons de couture parisiennes. Il faut retourner à une époque où l’odeur n’avait pas une fonction esthétique, mais mystique.

L’étymologie même du mot que nous utilisons quotidiennement porte la trace de cette fonction première. Le mot « parfum » tire ses racines du latin per fumum, qui signifie littéralement « à travers la fumée ».

Dans l’Antiquité, que ce soit en Égypte, en Mésopotamie ou dans la Rome antique, les hommes ne se parfumaient pas pour séduire, mais pour dialoguer avec le divin.

On considérait que les dieux, êtres immatériels, ne pouvaient être atteints que par ce qui n’avait pas de corps : la fumée odorante. Les prêtres brûlaient des résines précieuses, de l’encens, de la myrrhe ou du benjoin dans d’immenses encensoirs.

Ces volutes aromatiques s’élevaient vers le ciel, emportant avec elles les prières des hommes. C’était un canal de communication vertical, un pont invisible entre la terre et les cieux. L’usage profane du parfum, celui de s’oindre le corps d’huiles parfumées pour le plaisir ou la séduction, n’est venu que plus tard, comme une déclinaison terrestre de ce rite sacré.

Aujourd’hui, même si nous avons oublié ce sens originel, chaque vaporisation reste un écho lointain de ce rituel. Le parfum conserve cette capacité unique à élever l’esprit, à modifier notre humeur instantanément et à créer une aura presque spirituelle autour de celui qui le porte, rappelant que la parfumerie est avant tout l’art de manipuler l’invisible.

L’or flottant des océans

C’est l’un des plus grands paradoxes de la parfumerie de luxe : l’un des ingrédients les plus chers, les plus recherchés et les plus exquis au monde provient des entrailles d’un mammifère marin géant. L’ambre gris, souvent qualifié d’or flottant, est une matière mythique qui fascine les parfumeurs depuis des siècles. Mais son origine est tout sauf glamour.

L’ambre gris est produit par le cachalot. Ce cétacé se nourrit principalement de calmars géants dont les becs, durs et tranchants, peuvent irriter ses parois intestinales. Pour se protéger, l’organisme du cachalot sécrète une substance cireuse qui enrobe ces corps étrangers.

Une fois rejetée par l’animal dans l’océan, cette masse ne ressemble à rien d’autre qu’à un déchet noirâtre à l’odeur fécale pestilentielle.

C’est ici que la magie de la nature opère. Flottant à la surface des mers, ballotté par les courants, brûlé par le soleil et oxydé par l’eau salée pendant des années, voire des décennies, ce « déchet » se transforme. Il blanchit, durcit et son odeur change radicalement pour devenir complexe, animale, marine et légèrement tabacée.

En parfumerie, l’ambre gris naturel est un trésor inestimable. Il ne sert pas uniquement à donner une odeur ; il agit comme un fixateur exceptionnel. Il possède la capacité unique d’accrocher les molécules volatiles sur la peau et de donner au parfum une profondeur sensuelle inégalée.

Sa rareté fait grimper les prix à des dizaines de milliers d’euros le kilo, le rendant plus onéreux que l’or pur. Si la plupart des parfums modernes utilisent des substituts synthétiques comme l’ambroxan, les grandes maisons de haute parfumerie continuent parfois d’utiliser de l’ambre gris véritable pour leurs créations les plus prestigieuses, transformant une indigestion marine en apogée du raffinement.

La bestialité cachée sous le luxe

Lorsque l’on sent un parfum floral, poudré ou chypré, on imagine difficilement que la structure même de cette odeur repose historiquement sur des sécrétions sexuelles animales. C’est pourtant une réalité incontournable de l’histoire olfactive : pour qu’un parfum tienne et dégage une aura charnelle, il a longtemps fallu lui injecter une dose de bestialité.

Deux animaux ont particulièrement marqué cette industrie : la civette et le chevrotin porte-musc. La civette, petit mammifère carnivore d’Afrique et d’Asie, possède des glandes périnéales qui produisent une pâte à l’odeur effroyable lorsqu’elle est pure, rappelant l’excrément.

Cependant, une fois diluée à l’extrême dans de l’alcool, cette substance apporte une chaleur, une rondeur et une vibration florale extraordinaire. Elle « chauffe » le parfum, lui donnant vie et sensualité.

Le musc, quant à lui, provient d’une glande abdominale du chevrotin mâle, utilisée pour attirer les femelles lors de la reproduction. Son odeur est puissante, boisée, animale.

Pendant des siècles, ces matières ont été les piliers des notes de fond, celles qui restent sur la peau des heures après l’évaporation des notes de tête. Elles éveillent nos instincts les plus primaires, jouant sur l’attraction inconsciente.

Heureusement pour le règne animal, la parfumerie moderne a opéré une mutation éthique majeure. La chasse de ces animaux est aujourd’hui interdite ou strictement régulée, et l’industrie s’est massivement tournée vers la chimie de synthèse.

Les « muscs blancs » que nous retrouvons aujourd’hui dans nos lessives ou nos parfums frais sont des créations de laboratoire, imitant la douceur du musc tonkin sans la cruauté associée à sa récolte.

Néanmoins, l’histoire nous rappelle que le parfum est une alchimie complexe où le divin côtoie l’animal, où le propre a besoin du sale pour exister pleinement.

Une odeur venue d’ailleurs

Si la Terre regorge de senteurs, qu’en est-il du vide intersidéral ? L’idée même que l’espace puisse avoir une odeur semble contre-intuitive, puisqu’il n’y a pas d’air pour porter les molécules odorantes. Pourtant, les témoignages des astronautes sont formels et concordants : l’espace a une signature olfactive distincte, puissante et inoubliable.

Ce n’est pas dans le vide lui-même qu’ils la sentent, mais au retour d’une sortie extravéhiculaire. Lorsqu’ils retirent leur casque dans le sas de décompression de la Station Spatiale Internationale ou, à l’époque, du module lunaire, ils sont assaillis par une odeur étrange imprégnée sur leurs combinaisons.

Les descriptions évoquent souvent un mélange de métal chaud, de vapeurs de soudure, de poudre à canon brûlée, voire de biscuits grillés ou de viande roussie.

D’où vient cette odeur ? Les scientifiques de la NASA ont plusieurs théories. La plus probable est liée à l’oxygène atomique. Dans l’espace, les rayons ultraviolets du soleil brisent les molécules d’oxygène. Ces atomes isolés adhèrent aux tissus des combinaisons.

Une fois de retour dans la station pressurisée, ces atomes réagissent brusquement avec l’oxygène ambiant, créant une oxydation rapide, une sorte de combustion lente qui dégage cette odeur métallique et ozonique.

Une autre explication réside dans la présence d’étoiles mourantes. L’univers est rempli d’hydrocarbures aromatiques polycycliques, des molécules créées par la combustion stellaire. Ce sont ces mêmes molécules que l’on retrouve sur Terre dans le charbon ou le barbecue.

Ainsi, l’odeur de l’espace serait littéralement l’odeur de l’énergie cosmique et de la matière en transformation. Des chimistes ont même tenté de recréer cette fragrance sur Terre pour l’entraînement des futurs astronautes, faisant de cette odeur l’une des plus exclusives et des plus inaccessibles de l’humanité.