Une exposition de Batuhan Yardımcı
📍 La Borne, Le Plessis-Botanique, La Riche, Centre-Val de Loire
🗓 2 juillet – 23 août 2025
Dans Ténèbres tracées le long de la ligne dorique, Batuhan Yardımcı présente cinq peintures à l’huile qui déconstruisent le corps classique à travers des gestes de fracture, de dissimulation et d’ambiguïté spectrale. Chaque œuvre devient une étude de la désintégration : des bustes gréco-romains estompés jusqu’à l’apparition fantomatique, des cariatides s’effondrant sous une pression conceptuelle, des visages qui refusent le regard. Ce ne sont pas des monuments, mais des souvenirs — non fixés dans la pierre, mais dans la fumée, la surface, et le silence.
Cette série évocatrice est exposée au sein de La Borne, un espace mobile d’exposition remarquable qui circule à travers la région Centre-Val de Loire. Conçue par l’architecte Bertrand Penneron, La Borne agit à la fois comme une architecture d’exposition et un cadre curatoriel. Sa forme — entre la caravane et le container — est construite en bois habillé de zinc. Compacte et élégante, elle s’intègre aisément dans l’espace public, qu’il soit urbain, rural ou en transition.
Fait essentiel : le public n’entre pas dans La Borne. L’exposition se découvre de l’extérieur, à travers deux grandes baies vitrées, invitant à une forme d’attention proche du lèche-vitrine. Ce geste familier — curieux, spontané, intuitif — prolonge les thématiques de l’œuvre : distance, diffraction, hantise historique. Chaque tableau, vu à travers la vitre, devient un objet suspendu : pris dans le reflet, exposé à la lumière naturelle, partiellement voilé. Le regard n’est jamais direct ; il glisse, se diffracte, hésite.
Yardımcı, artiste né en Turquie et installé au Royaume-Uni, interroge le poids idéologique de la forme classique. Son médium — l’huile sur toile — n’est pas utilisé pour sa fidélité, mais pour sa volatilité. La pierre se dissout dans le pinceau ; la ligne s’effondre dans le geste. Les cariatides sont englouties par l’ombre. Les bustes sont voilés, effacés, défaits. Plutôt que de restaurer l’autorité de l’image classique, Yardımcı en révèle l’effondrement. Il en trouble les implications nationalistes, les héritages coloniaux et les esthétiques virilistes. Même la monumentalité s’y dévoile fragile.
La spécificité de La Borne accentue cette sensation de précarité conceptuelle et matérielle. Avec seulement 21 m³ de volume, 8 m² au sol, et 6 mètres linéaires de cimaises, la structure impose une contrainte qui appelle à la rigueur. Les deux grandes vitres offrent une rencontre chorégraphiée — une expérience qui se déploie au fil des déplacements du spectateur, de ses allers-retours, de ses regards obliques. L’exposition devient performative, atmosphérique, éphémère.
Tel est l’esprit de La Borne : une plateforme ambitieuse et itinérante pour l’art contemporain, initiée par le collectif d’artistes Le pays où le ciel est toujours bleu, avec le soutien de la DRAC Centre et du Conseil régional du Centre. Conçue pour s’inscrire dans des paysages et contextes civiques variés, elle répond aux inégalités d’accès à l’art contemporain à travers les six départements et plus de 1 800 communes de la région Centre-Val de Loire. Grâce à sa mobilité, La Borne favorise un engagement territorial profond — reliant publics ruraux et urbains, générations artistiques et acteurs culturels.
Des artistes de France comme de l’étranger sont invités à exposer dans cette structure singulière, avec une attention particulière portée aux jeunes créateurs de la région. Chaque présentation est accompagnée de textes curatoriaux, d’une médiation sur site, et souvent de rencontres publiques avec l’artiste. La Borne ne se limite donc pas à un espace d’exposition : elle devient un dispositif d’expérimentation, de recherche, et de rencontre.
Dans ce contexte, Ténèbres tracées le long de la ligne dorique n’est pas une exposition au sens traditionnel. C’est une méditation spatiale sur la fragilité de l’histoire, l’héritage formel, et les politiques de la mémoire visuelle. Elle pose les questions suivantes : que reste-t-il lorsque le corps classique n’est plus idéalisé, mais interrompu ? Que se passe-t-il quand l’icône ne commande plus, mais se retire ? Yardımcı ne propose aucune restauration. Il donne à voir un pouls — vacillant, partiel, et critique.
📰 Pour en savoir plus
Consultez le site officiel de La Borne pour découvrir les textes curatoriaux, la documentation, et les entretiens avec l’artiste. La plateforme en ligne archive également les expositions passées et permet au public d’interagir par des commentaires et des mises à jour en temps réel.
Visible jusqu’au 23 août 2025. Ne manquez pas cette intervention puissante sur la forme, la mémoire et les survivances de l’Antiquité.