En 2019, le vol d’une œuvre peinte par Banksy sur la porte du Bataclan, à Paris, défraie la chronique… Un étonnant documentaire mêlant enquête rocambolesque, enjeux mémoriels et interrogations sur la nature paradoxale du street art.

Un matin de juin 2018, un émouvant graffiti à la peinture blanche est découvert sur la porte arrière du Bataclan, l’issue de secours par laquelle s’étaient échappés, le soir du 13 novembre 2015, des dizaines de spectateurs fuyant leurs assaillants. Réalisée au pochoir pendant la nuit, cette silhouette de jeune fille voilée aux airs de madone, tête baissée, ne tarde pas à être identifiée comme la création de Banksy, star mondiale du street art. Une œuvre mémorielle en hommage aux victimes, qui devient bientôt un symbole et un lieu de recueillement pour les riverains endeuillés. En janvier 2019 pourtant, toujours à la faveur de la nuit, la porte ornée de cette « jeune fille triste » est démontée à la disqueuse et emportée dans une camionnette blanche par trois mystérieux inconnus. Profanation volontaire d’un lieu de mémoire ou simple appât du gain ? Aux termes d’une enquête menée par les polices française et italienne, l’œuvre sera retrouvée un peu moins de dix-huit mois plus tard dans la campagne des Abruzzes, après être passée entre les mains d’une jeune bande de voyous…

Œuvres éphémères par essence

Au-delà du fait divers aux multiples rebondissements, cette affaire soulève de passionnantes questions sur la nature même de l’art dans l’espace urbain – à l’origine un acte de vandalisme, récemment légitimé par l’engouement du public jusqu’à trouver sa place dans les galeries – et sur ces créations, éphémères par essence, dont d’aucuns voudraient faire une source de profit. Qui peut se prétendre propriétaire d’une telle œuvre ? Restera-t-elle authentique si on l’isole de son environnement d’origine ? Banksy, célébrissime anonyme devenu l’un des artistes vivants les plus cotés au monde, a établi ses propres règles en la matière. En virtuose du détournement, il semble s’amuser des paradoxes et des ambiguïtés qui entourent son travail… À partir de l’épopée rocambolesque d’une œuvre de street art devenue emblématique, Edoardo Anselmi explore, aux côtés de spécialistes – et des protagonistes du larcin – les enjeux légaux, philosophiques et culturels qui entourent cette forme de création atypique.

Documentaire d’Edoardo Anselmi (France, 2023, 53mn)
Disponible jusqu’au 15/12/2023