Article | 7 dates qui ont bouleversé la Bourse

L’histoire des marchés financiers est jalonnée d’événements spectaculaires, d’effondrements imprévus, de rebondissements inattendus et d’euphories collectives.

Certains de ces instants ont laissé une empreinte si forte qu’ils ont transformé durablement le fonctionnement même de la Bourse, influencé les politiques économiques à l’échelle mondiale et changé le comportement des investisseurs pour les décennies suivantes.

Ces secousses ne sont pas uniquement des chocs passagers : elles sont les témoins d’une interconnexion croissante entre l’économie, la politique, la technologie et la psychologie humaine. Voici sept dates qui ont bouleversé la Bourse, remodelant à chaque fois les règles du jeu financier mondial.

1. Le 24 octobre 1929 – Le Jeudi Noir : début du Krach de Wall Street

Le 24 octobre 1929 marque le point de départ d’une des plus grandes catastrophes économiques de l’histoire contemporaine.

Cette journée, connue sous le nom de « Jeudi Noir », a vu des millions d’actions mises en vente sans trouver d’acheteurs. La panique s’est répandue à une vitesse fulgurante, entraînant une chute vertigineuse des cours et déclenchant une crise financière globale.

L’atmosphère était irréelle : des courtiers hurlaient, des investisseurs désespérés s’agglutinaient autour des téléphones, tandis que les chiffres s’effondraient sur les panneaux d’affichage à une vitesse inquiétante. La spéculation débridée des années 1920, alimentée par des crédits faciles et un excès de confiance, avait engendré une bulle boursière insoutenable.

Les conséquences furent dramatiques :

  • Des millions de petits porteurs ruinés du jour au lendemain.
  • Un effondrement du système bancaire américain.
  • La fermeture de milliers d’entreprises.
  • Une explosion du chômage.
  • L’entrée dans la Grande Dépression des années 1930.

Cette crise a eu des répercussions planétaires, affectant l’Europe, l’Amérique latine, et même l’Asie. Elle a surtout modifié en profondeur la manière dont les gouvernements envisagent leur rôle dans l’économie.

Le krach de 1929 a été le point de départ de politiques interventionnistes nouvelles, telles que le New Deal de Roosevelt, et a ouvert la voie à une régulation plus stricte des marchés financiers.

2. Le 19 octobre 1987 – Le Lundi Noir

Presque six décennies plus tard, les marchés mondiaux ont été à nouveau frappés par une panique soudaine et brutale. Le 19 octobre 1987, connu sous le nom de « Lundi Noir », le Dow Jones a chuté de 22,6 % en une seule séance, une baisse inégalée dans l’histoire contemporaine pour une seule journée.

Aucun événement géopolitique majeur ne semblait expliquer un tel effondrement.

Ce krach a mis en lumière un phénomène nouveau : la montée en puissance du trading algorithmique. À cette époque, les ordinateurs commençaient à exécuter automatiquement des ordres de vente en chaîne lorsque certains seuils de prix étaient franchis. Cela a créé un effet boule de neige incontrôlable, amplifiant la baisse au lieu de la freiner.

Les marchés ont été déstabilisés par :

  • L’usage excessif de produits dérivés.
  • Une coordination insuffisante entre les régulateurs.
  • Des politiques monétaires floues.
  • La panique psychologique collective des investisseurs.

Le choc fut tel qu’il a poussé les autorités financières à mettre en place de nouvelles protections, telles que les fameux « coupe-circuits » (circuit breakers), des mécanismes visant à suspendre les cotations en cas de variations trop brutales.

Le Lundi Noir a ainsi déclenché une prise de conscience sur les risques liés à l’automatisation des marchés.

3. Le 11 septembre 2001 – Attentats aux États-Unis

Le 11 septembre 2001 n’est pas seulement une tragédie humaine et un acte de terreur sans précédent. C’est aussi une date qui a bouleversé les marchés financiers mondiaux.

Le matin même des attentats, alors que les tours jumelles s’effondraient, la Bourse de New York restait fermée. Mais lorsque les échanges ont repris le 17 septembre, le Dow Jones a perdu 684 points en une seule journée, soit une chute de près de 7 %.

Le monde entier est alors plongé dans une incertitude extrême. Le secteur aérien s’effondre, les assurances enregistrent des pertes massives, la consommation chute, et les investissements sont suspendus. Les marchés européens et asiatiques suivent la tendance, réagissant avec une extrême volatilité à l’annonce de chaque information.

Les principaux impacts financiers furent :

  • Un repli massif des capitaux vers les valeurs refuges (or, obligations américaines).
  • La montée de l’aversion au risque.
  • Une chute durable des secteurs sensibles à la sécurité.
  • Un regain d’intérêt pour la résilience des infrastructures financières.

Les attentats ont également modifié la stratégie des banques centrales. La Réserve fédérale américaine a baissé ses taux de manière agressive pour soutenir l’économie, injectant des liquidités massives dans le système. Cette approche préfigurait les interventions monétaires plus intrusives des années à venir.

4. Le 15 septembre 2008 – Faillite de Lehman Brothers

Le 15 septembre 2008, la planète financière retient son souffle : Lehman Brothers, l’une des plus anciennes banques d’investissement de Wall Street, dépose le bilan. Cette faillite, qui semblait impensable quelques semaines auparavant, a déclenché une onde de choc mondiale.

En quelques heures, les marchés s’enfoncent. Le crédit se bloque. Les fonds d’investissement gèlent leurs retraits. Les grandes entreprises ne parviennent plus à se financer. La panique se propage à une vitesse foudroyante, mettant à genoux le système bancaire international.

Les causes profondes de cette crise sont multiples :

  • Une bulle immobilière aux États-Unis, alimentée par les subprimes.
  • La titrisation incontrôlée de prêts risqués.
  • L’usage excessif de leviers financiers.
  • Une régulation bancaire insuffisante et trop permissive.

Cette crise a non seulement ruiné des millions de particuliers et détruit des entreprises majeures, mais elle a aussi fait vaciller la confiance dans les institutions financières elles-mêmes. Pour éviter l’effondrement total du système, les États ont dû intervenir massivement :

  • Nationalisations bancaires.
  • Plans de sauvetage colossaux.
  • Taux d’intérêt proches de zéro.
  • Politiques de quantitative easing inédites.

Depuis 2008, la finance mondiale a changé d’ère. Les mécanismes de surveillance ont été renforcés, les règles prudentielles durcies, et les investisseurs restent désormais plus méfiants face aux produits complexes.

5. Le 6 mai 2010 – Le Flash Crash

Le 6 mai 2010, un phénomène spectaculaire et encore mal compris s’empare des marchés américains. En quelques minutes, le Dow Jones perd près de 1 000 points avant de rebondir aussi brutalement. Ce « flash crash » est une illustration parfaite des dérives possibles du trading à haute fréquence.

À l’origine, une vente massive d’un contrat dérivé aurait provoqué une réaction en chaîne dans les algorithmes de trading. Ces programmes, dépourvus de jugement humain, ont déclenché des ventes automatiques en cascade, accélérant l’effondrement momentané des cours.

Cet épisode soulève de nombreuses interrogations :

  • Quelle part de contrôle ont encore les humains sur les marchés ?
  • Faut-il limiter l’accès au marché pour les robots ?
  • Comment prévenir de tels dysfonctionnements à l’avenir ?
  • Les régulateurs sont-ils technologiquement à la hauteur ?

Le Flash Crash n’a pas laissé de traces durables sur l’économie réelle, mais il a marqué les esprits et mis en lumière la vulnérabilité des marchés ultra-digitalisés. Depuis, les bourses ont renforcé les garde-fous techniques, mais le débat sur l’usage du trading algorithmique reste entier.

6. Le 12 mars 2020 – Le Jeudi de la panique : COVID-19 et effondrement mondial

Le 12 mars 2020 est surnommé « le Jeudi de la panique ». Ce jour-là, les principales places boursières mondiales s’effondrent à un rythme vertigineux. À Wall Street, le Dow Jones perd près de 10 % en une seule séance. En Europe, les bourses plongent de 12 %, une chute inédite depuis 1987.

À l’origine de cette panique : la pandémie de COVID-19. Ce jour-là, les investisseurs prennent pleinement conscience de la gravité de la situation. Les frontières se ferment, les villes sont confinées, les activités économiques sont stoppées net.

Les marchés réagissent avec violence :

  • Liquidation d’actifs massifs.
  • Fuite vers le cash et l’or.
  • Ventes paniques d’actions, d’obligations et de pétrole.
  • Suspensions de cotation sur de nombreuses valeurs.

Cette journée a provoqué un réajustement complet des portefeuilles d’investissement. Mais elle a également été suivie d’une réaction rapide des autorités : injections massives de liquidités, plans de relance géants, soutien aux entreprises, distribution d’aides directes aux ménages.

La rapidité et l’ampleur de la réaction ont permis un rebond étonnamment rapide des marchés dès le mois d’avril.

Mais le choc psychologique, lui, reste durable. Il a mis en lumière la fragilité des chaînes d’approvisionnement mondiales, la dépendance aux politiques monétaires et le rôle croissant des banques centrales dans la stabilisation financière.

7. Le 27 janvier 2021 – GameStop et la rébellion des petits investisseurs

Le 27 janvier 2021 restera dans l’histoire comme le jour où les investisseurs particuliers ont défié les grands fonds spéculatifs. Cette journée marque le sommet de l’affaire GameStop, une chaîne de magasins en difficulté dont l’action a été multipliée par dix en quelques jours grâce à une mobilisation massive sur le forum Reddit « WallStreetBets ».

L’opération avait une cible : les hedge funds qui pariaient sur la baisse de l’action GameStop. En achetant en masse, les petits porteurs ont provoqué un short squeeze monumental, forçant les vendeurs à découvert à racheter dans la panique, faisant grimper encore davantage le titre.

Cette date est symbolique d’un tournant majeur :

  • L’essor des plateformes de trading sans commission (comme Robinhood).
  • L’entrée massive des jeunes générations sur les marchés.
  • L’influence grandissante des réseaux sociaux dans les décisions d’investissement.
  • La perte d’autorité des acteurs institutionnels classiques.

Si l’affaire GameStop a provoqué une forte volatilité passagère, elle a surtout révélé une évolution fondamentale : la finance devient de plus en plus décentralisée et sociale. Elle a aussi relancé le débat sur la régulation du trading en ligne, la transparence des ventes à découvert, et l’encadrement des forums financiers.

Conclusion : une Bourse en mutation permanente

Ces sept dates, très différentes dans leur nature et leur contexte, ont toutes en commun d’avoir changé le visage de la finance mondiale.

Certaines ont révélé les excès d’un système trop optimiste, d’autres ont souligné les dangers de l’automatisation, d’autres encore ont démontré la puissance d’un collectif d’individus face aux géants de la finance.

À travers elles, on constate à quel point les marchés financiers sont à la fois puissants et vulnérables, gouvernés autant par des modèles mathématiques que par des réactions humaines profondément émotionnelles.

Pour les investisseurs, ces leçons sont essentielles. Elles rappellent qu’il est indispensable :

  • De diversifier ses investissements.
  • De garder une réserve de liquidités en cas de crise.
  • D’être vigilant face aux bulles spéculatives.
  • D’adopter une stratégie de long terme.
  • De comprendre les mécanismes de régulation et d’intervention des États.

La Bourse est un organisme vivant, en perpétuel mouvement. Elle s’adapte, se transforme, résiste et se reconstruit. Ces sept dates n’en sont que les jalons les plus marquants, mais d’autres viendront, sans aucun doute, bouleverser à nouveau cet univers fascinant.