Article | Le boom immobilier à Batoumi : effet de mode ou tendance durable ?

Depuis quelques années, la ville côtière de Batoumi en Géorgie attire une attention croissante de la part des investisseurs immobiliers. À la croisée des influences européennes et asiatiques, elle séduit par son dynamisme urbain, son cadre naturel exceptionnel et une politique économique ouverte.

Face à la multiplication des projets de construction et à l’envolée des transactions, une question émerge : assiste-t-on à un simple engouement passager, porté par l’effet de nouveauté, ou s’agit-il d’une mutation profonde annonçant une nouvelle ère pour l’immobilier régional ?

Une croissance stimulée par une conjonction de facteurs favorables

Au cours des dernières années, Batoumi s’est imposée comme un véritable pôle d’attractivité immobilière dans la région de la mer Noire. Plusieurs éléments concourent à cette dynamique : l’ouverture du marché géorgien aux capitaux étrangers, une fiscalité avantageuse, la stabilité du change et une image de ville montante.

Les investisseurs, attirés par des rendements locatifs élevés et un coût d’entrée relativement bas, affluent non seulement d’Europe, mais aussi du Moyen-Orient et d’Asie centrale.

Cette internationalisation rapide du marché se traduit par une intensification notable de l’activité de construction, avec un grand nombre de projets résidentiels et hôteliers en cours.

L’impact de cette effervescence se lit directement dans les prix de l’immobilier à Batoumi, qui ont connu une ascension fulgurante depuis 2021. Certains quartiers proches de la mer ou des axes touristiques voient leur valeur au mètre carré doubler, voire tripler.

À cela s’ajoute la montée en puissance des « branded residences », concept immobilier premium qui ancre Batoumi dans une logique de positionnement haut de gamme. Cette montée en gamme témoigne du fait que l’on ne parle plus d’un simple effet de bulle, mais bien d’un redéploiement structurel du marché local.

Les signaux d’essoufflement et les premières zones d’ombre

Malgré cette expansion, des signes de tension apparaissent. La surabondance de projets neufs, notamment dans le segment du luxe, soulève la question de la sur-offre.

Plusieurs bâtiments en construction affichent des taux de prévente insuffisants, et certaines unités restent invendues plusieurs mois après leur mise sur le marché. Ce déséquilibre potentiel entre l’offre et la demande pourrait à terme exercer une pression baissière sur les prix, surtout si la croissance de la demande venait à ralentir.

Par ailleurs, des études récentes ont observé un certain ralentissement du marché en 2024, après une période de flambée post-pandémie. Les ventes se maintiennent, mais à un rythme plus modéré. La disponibilité de biens immédiatement habitables diminue, ce qui contribue à complexifier la dynamique d’achat, notamment pour les investisseurs à la recherche de rentabilité immédiate.

La perspective d’un essoufflement progressif ne peut donc pas être écartée, en particulier dans un contexte économique mondial incertain.

Une dépendance forte au tourisme et aux capitaux extérieurs

Un autre élément de fragilité réside dans la dépendance marquée du marché immobilier batoumien aux flux touristiques et aux investissements étrangers. Environ 80 % des acquéreurs de biens en 2024 provenaient de l’étranger, selon plusieurs sources spécialisées.

Cette ultra-dépendance à une clientèle internationale expose le marché à des chocs exogènes : baisse du tourisme, durcissement des politiques migratoires ou ralentissement économique global. En cas de retournement, le manque de demande locale solvable pourrait accentuer une correction du marché.

D’un point de vue locatif, cette orientation vers des biens touristiques pose également question. De nombreux appartements sont conçus pour la location courte durée, ce qui entraîne des périodes de vacance prolongées en basse saison.

Cela compromet la rentabilité annuelle pour certains propriétaires, en particulier ceux qui ont acheté avec un effet de levier ou via crédit. La durabilité du modèle est donc conditionnée à une régularité des flux touristiques – ce qui n’est jamais garanti à long terme.

Un avenir prometteur, mais sous conditions strictes

Malgré ces zones de turbulence, il serait réducteur de qualifier le boom immobilier de Batoumi de simple effet de mode. La ville bénéficie de réels atouts structurels : sa situation géographique sur la mer Noire, ses infrastructures modernisées, sa politique de libre-échange et son ambition affirmée en matière d’urbanisme.

Les projets d’envergure comme la Cube Tower ou le réaménagement du front de mer montrent que Batoumi veut s’inscrire dans une vision de long terme.

Cependant, pour que cette dynamique se transforme en tendance durable, plusieurs ajustements seront nécessaires. Il faudra notamment diversifier l’offre immobilière pour inclure des segments plus accessibles au marché local, réguler le rythme des constructions pour éviter la surchauffe, et garantir un environnement macroéconomique stable.

La transparence réglementaire et l’amélioration des infrastructures urbaines joueront également un rôle crucial pour asseoir la confiance des investisseurs sur la durée.