Infographie | 4 infos insolites sur le trading

L’univers de la finance est souvent perçu comme un sanctuaire de rationalité mathématique, où des modèles complexes et des analystes surdiplômés dictent la marche du monde. On imagine des tours de verre, des graphiques impeccables et des décisions prises à la virgule près.

Pourtant, derrière cette façade de rigueur, les marchés financiers sont régulièrement le théâtre de phénomènes étranges, d’erreurs humaines grotesques et de comportements psychologiques collectifs qui frôlent l’absurde.

Le trading n’est pas seulement une affaire de chiffres ; c’est une arène où la peur, l’euphorie, la maladresse et désormais l’intelligence artificielle s’affrontent dans un chaos parfois indéchiffrable. Pour comprendre la véritable nature des marchés, il faut s’intéresser à ses anomalies, à ces moments où la machine s’emballe ou se grippe.

L’indice de la peur ou comment mesurer la panique

Si la météo dispose de thermomètres et de baromètres, la finance possède elle aussi son propre instrument de mesure pour évaluer la pression atmosphérique des marchés : le VIX.

Créé par le Chicago Board Options Exchange (CBOE), cet indice est techniquement une mesure de la volatilité implicite des options sur l’indice S&P 500 pour les trente jours à venir. Mais dans les salles de marché, personne ne l’appelle par son nom technique. On le surnomme l’indice de la peur.

Ce qui rend le VIX fascinant, c’est qu’il ne mesure pas la performance passée, mais l’anticipation de l’anxiété future. Il tente de quantifier le niveau de stress des investisseurs. Lorsque les marchés sont calmes et en hausse régulière, le VIX tend à s’endormir, affichant des valeurs basses qui témoignent d’une complaisance générale. C’est souvent le calme avant la tempête.

À l’inverse, lorsque le VIX s’envole, c’est que la panique s’est emparée des esprits. Historiquement, des pics violents du VIX ont toujours accompagné les crises majeures. Lors de la crise financière de 2008 ou au début de la pandémie de Covid-19 en mars 2020, cet indice a atteint des sommets vertigineux, traduisant une incertitude totale sur l’avenir.

L’existence même de cet indice prouve que la finance reconnaît officiellement le rôle central des émotions. Les mathématiques financières intègrent désormais le fait que l’être humain réagit plus violemment à la peur de perdre qu’à l’espoir de gagner.

Le VIX est donc bien plus qu’une courbe sur un écran ; c’est un sismographe de la psychologie des foules, capable de détecter les tremblements de terre émotionnels avant même que les dégâts ne soient visibles sur l’économie réelle.

Le rebond du chat mort : une expression macabre pour un piège technique

Le jargon de Wall Street est connu pour son cynisme, mais peu d’expressions égalent la noirceur et l’imagerie du « Dead Cat Bounce », ou rebond du chat mort. Cette figure chartiste décrit une situation piège redoutée par tous les investisseurs, qu’ils soient néophytes ou vétérans.

L’idée derrière cette expression est brutale mais parlante : « Même un chat mort rebondira s’il tombe de suffisamment haut ». En termes financiers, cela désigne une remontée temporaire et souvent vigoureuse du prix d’un actif après une chute longue et sévère. Ce rebond donne l’illusion que le pire est passé, que le marché a touché le fond et que la reprise s’amorce.

C’est ici que le piège se referme. De nombreux investisseurs, pensant faire une bonne affaire en achetant au plus bas, entrent sur le marché lors de ce rebond. Or, cette remontée n’est pas alimentée par une amélioration fondamentale de l’économie ou de l’entreprise, mais souvent par des mécanismes techniques, comme le rachat de positions courtes par des spéculateurs qui encaissent leurs bénéfices.

Une fois cet élan technique épuisé, la réalité reprend ses droits et la tendance baissière recommence, souvent de manière plus violente encore, entraînant les cours vers de nouveaux abysses.

Le « Dead Cat Bounce » est l’exemple parfait de la cruauté des marchés : il offre un faux espoir avant d’infliger de nouvelles pertes. Il rappelle aux traders une règle d’or : ne jamais tenter d’attraper un couteau qui tombe. Identifier ce phénomène demande une grande maîtrise de soi pour ne pas succomber à la tentation d’acheter prématurément dans un marché qui s’effondre.

L’effet « fat finger » et le coût exorbitant d’une faute de frappe

Dans un monde où les transactions se font à la nanoseconde via des câbles de fibre optique traversant les océans, il est ironique de constater que l’une des plus grandes menaces pour la stabilité financière reste la maladresse humaine. C’est ce que l’on appelle l’effet « Fat Finger », ou l’erreur du gros doigt.

Ce phénomène survient lorsqu’un trader, fatigué, distrait ou sous pression, appuie sur la mauvaise touche de son clavier. Une simple erreur de saisie, comme ajouter un zéro de trop ou confondre « acheter » et « vendre », peut déclencher des mouvements de capitaux colossaux et causer des pertes immédiates se chiffrant en millions, voire en milliards de dollars.

L’histoire mentionne souvent la touche F9 comme coupable symbolique, car sur de nombreuses plateformes de trading classiques, elle servait de raccourci pour exécuter un ordre sans confirmation supplémentaire.

Cependant, la réalité dépasse souvent la légende. L’un des exemples les plus marquants reste l’erreur d’un trader de la société japonaise Mizuho Securities en 2005.

Alors qu’il voulait vendre une action de la société J-Com pour 610 000 yens, il a accidentellement entré un ordre de vente pour 610 000 actions à 1 yen. Le système informatique, dépourvu de jugement, a exécuté l’ordre. En quelques secondes, l’équivalent de plusieurs milliards de dollars d’ordres erronés a inondé le marché. La société a tenté d’annuler la transaction, mais il était trop tard.

Le coût final de cette simple faute de frappe a été estimé à plus de 225 millions de dollars pour la banque. Ces incidents rappellent que malgré la sophistication technologique, le risque opérationnel lié au facteur humain reste une épée de Damoclès au-dessus des marchés. Une seconde d’inattention peut effacer une année de profits.

La guerre des algorithmes et les krachs éclairs

Si l’humain est faillible, la machine, elle, peut être dangereusement efficace. Aujourd’hui, une part majoritaire des transactions boursières mondiales n’est plus effectuée par des hommes en costume criant des ordres, mais par des « bots » de trading haute fréquence (HFT).

Ces programmes informatiques achètent et vendent des titres en quelques millisecondes, cherchant à profiter de minuscules écarts de prix invisibles à l’œil nu.

L’avènement de ces algorithmes a créé une nouvelle forme d’irrationalité : celle de la vitesse pure, déconnectée de la valeur réelle des entreprises. Ces robots ne réfléchissent pas en termes de fondamentaux économiques ; ils réagissent à des signaux mathématiques et aux actions des autres robots.

Le danger survient lorsque ces algorithmes entrent en résonance les uns avec les autres, créant une boucle de rétroaction négative. C’est ce qui s’est produit lors du célèbre « Flash Crash » du 6 mai 2010.

Ce jour-là, l’indice Dow Jones a perdu près de 1000 points en quelques minutes, soit environ 9% de sa valeur, avant de remonter presque aussi vite. Des milliards de dollars de capitalisation boursière se sont évaporés puis réapparus en un clin d’œil, sans qu’aucune nouvelle économique majeure ne le justifie.

L’enquête a révélé qu’une vente massive avait déclenché une réaction en chaîne chez les algorithmes de trading haute fréquence. Voyant le volume de vente augmenter, les robots ont automatiquement retiré leurs offres d’achat pour se protéger, asséchant instantanément la liquidité du marché. D’autres robots ont interprété cette chute comme un signal de vente, accélérant encore la baisse.

Ce jour-là, la machine a pris le contrôle, agissant avec une logique implacable mais totalement dénuée de sens commun. Cet événement a mis en lumière la fragilité d’un système financier devenu trop complexe pour être totalement maîtrisé.

Il a prouvé que la rationalité algorithmique, lorsqu’elle est poussée à l’extrême et sans supervision, peut conduire au chaos le plus total. Le trading moderne est devenu une guerre silencieuse entre des codes informatiques, où l’humain est parfois réduit au rang de spectateur impuissant.