En l’année 1376, le célèbre Édouard de Woodstock, plus connu sous le nom de Prince Noir, tire sa révérence. Ce personnage légendaire de la chevalerie médiévale a marqué l’Histoire, non seulement par ses prouesses militaires, mais également par son sens aigu de la gestion de ses vastes possessions.
Toutefois, sa vie illustre aussi le début d’un déclin pour l’Angleterre, qui, après avoir longtemps dominé la France au cours de la Guerre de Cent Ans, commence à perdre du terrain de manière irréversible. Cette trajectoire funeste reflète un retournement de situation, où l’arrogance des victoires anglaises cède progressivement la place à la désillusion et aux défaites.
Les débuts prometteurs d’un chef de guerre redoutable
Fils aîné du roi Édouard III, Prince de Galles et Comte de Chester, la destinée d’Édouard de Woodstock semblait tracée sous les meilleurs auspices. Dès son plus jeune âge, il se distingue par ses qualités militaires. En 1346, à peine âgé de seize ans, il débarque avec son père sur les côtes du Cotentin, accompagné de compagnons d’armes illustres tels que Richard Talbot et Jean Chandos. Très vite, il fait montre de son potentiel à la bataille de Crécy, où sa bravoure et ses talents stratégiques le propulsent sur le devant de la scène.
Peu après, en 1355, il est chargé par son père de prendre en main l’Aquitaine anglaise. Le 20 septembre de la même année, il s’installe à Bordeaux, consolidant ainsi la domination anglaise sur cette région. Ce n’est que le début d’une série d’actions militaires qui marqueront son règne. L’une des plus spectaculaires fut sans doute le raid dévastateur qu’il mène à travers le sud de la France, détruisant des villes comme Castelnaudary.
La gloire des batailles et la capture du roi de France
L’année 1356 reste un moment clé dans la vie d’Édouard, qui, à la tête d’une armée hétéroclite, remporte la fameuse bataille de Poitiers. Ce succès retentissant culmine avec la capture du roi de France, Jean II, un coup majeur pour l’Angleterre dans le cadre de la guerre de Cent Ans. Ce triomphe militaire permet à son père d’imposer le traité de Brétigny en 1360. Ce traité confère à l’Angleterre une vaste portion du sud-ouest de la France, incluant le Quercy, le Périgord, le Limousin, le Rouergue et le Poitou.
En 1362, pour couronner ces acquis, Édouard III nomme son fils Prince d’Aquitaine. C’est un moment de répit pour Édouard de Woodstock, qui peut enfin consacrer du temps à l’administration de ses vastes terres.
Une gestion prospère malgré la peste noire
Installé à Bordeaux, Édouard se révèle être un gestionnaire avisé de sa principauté. Malgré les ravages récents de la peste noire, les villes sous sa gouvernance, notamment Bordeaux et Angoulême, parviennent à se relever rapidement. Une période de prospérité s’installe, et ces cités deviennent des alliées fidèles et durables de la couronne anglaise.
Cependant, ce moment de stabilité est de courte durée. En 1364, un changement majeur survient sur la scène politique française : Charles V accède au trône. Ce nouveau roi, bien plus stratégique et déterminé que ses prédécesseurs, va profondément perturber les plans du Prince Noir.
Les revers de fortune et la montée de Du Guesclin
L’avènement de Charles V marque un tournant décisif pour Édouard. Le nouveau roi de France délègue ses pouvoirs militaires à l’un des plus talentueux chefs de guerre de l’époque, Bertrand Du Guesclin, qui sera nommé connétable en 1370. Dès 1364, Charles V parvient à écarter le roi de Navarre, qui avait tenté de le renverser.
En 1369, la situation se complique encore pour Édouard, lorsqu’il est contraint d’intervenir en Castille pour défendre son allié, Pierre le Cruel, contre Du Guesclin. Bien que victorieux sur le champ de bataille, cette expédition lui coûte des sommes astronomiques, que Pierre le Cruel refusera de rembourser. De retour à Angoulême, Édouard doit alors lever un nouvel impôt, un fouage de 10 sols, pour renflouer les caisses.
Le début de la fin et le retrait d’Aquitaine
Comme souvent, l’imposition de nouveaux taxes entraîne un mécontentement généralisé. Plusieurs seigneurs aquitains se tournent alors vers le roi de France, et en 1369, Charles V convoque Édouard pour qu’il s’explique devant lui. Cet événement marque le début d’une nouvelle phase dans la guerre entre la France et l’Angleterre, mais cette fois, la fortune ne sourit plus aux Anglais.
En seulement deux ans, les victoires anglaises se transforment en défaites cuisantes. Bertrand Du Guesclin, brillant stratège, reprend rapidement une grande partie des territoires perdus, dont le Quercy, le Périgord et l’Agenais.
Le crépuscule du Prince Noir
Le Prince Noir, qui sera ainsi surnommé bien après sa mort, en 1568, voit ses espoirs d’un grand règne s’évanouir. Chassé de ses territoires aquitains, il retourne en Angleterre en 1371, épuisé physiquement et moralement par ces guerres incessantes.
Cinq ans plus tard, en 1376, il s’éteint sans avoir pu accéder au trône d’Angleterre. Ce privilège reviendra finalement à son fils, Richard de Bordeaux, qui deviendra roi sous le nom de Richard II. L’histoire retiendra cependant la figure imposante d’Édouard de Woodstock, le Prince Noir, comme celle d’un des plus grands chefs de guerre de son époque, bien que son destin ait basculé dans l’adversité.