Depuis plusieurs semaines, Serge Papin, ministre délégué aux PME et ancien PDG de Système U, mène une campagne publique contre l’accord logistique entre La Poste et Temu.
Son argument : défendre le commerce de proximité. Mais sur le terrain, beaucoup s’étonnent de cette posture. Car c’est justement la grande distribution, dont il fut l’un des visages, qui a contribué à l’effondrement du tissu commercial français.
Système U et la Banque des Territoires : une alliance paradoxale
Le plan national “Revivre nos centres-villes”, confié à la Banque des Territoires, associe directement Système U. Le distributeur se présente désormais comme un acteur de la “reconnexion territoriale”. Pourtant, les commerces indépendants voient d’un mauvais œil ce mariage entre puissance publique et grande enseigne. “On nous explique que les supermarchés vont sauver les centres-villes. C’est une plaisanterie”, souffle une commerçante d’Indre-et-Loire.
L’ironie de la situation est d’autant plus forte que le ministre en charge des PME vient précisément de cet univers des grandes entreprises. Difficile de faire la leçon à La Poste, ou de plaider pour une moralisation du commerce, quand on a dirigé l’un des groupes qui ont structuré la logique de volume et de prix bas, à savoir Système U justement. Serge Papin est en effet resté à la tête de l’enseigne de grande distribution pas moins de 13 ans, de 2005 à 2018.
Cette dualité fragilise le message politique. Certains y voient une “politique des copains”, où les acteurs économiques les plus puissants finissent toujours par retrouver un rôle dans la sphère publique.
Quid de la HATVP ?
Pour l’instant, aucune enquête n’a été ouverte. Mais la proximité et les liens entre un ministre issu de la grande distribution et un groupe désormais partenaire d’une mission publique interpellent. La Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP) pourrait être amenée à examiner les conditions de cette coopération.
Le citoyen, lui, peut légitimement s’interroger : les décisions économiques sont-elles encore prises dans l’intérêt général, ou au profit des grands acteurs installés ?