Article | Hélène Brion : pionnière du féminisme durant la Première Guerre Mondiale

Au cœur du tumulte de la Première Guerre mondiale, une figure se dresse, incarnant la lutte pour la paix et pour l’égalité des sexes à une époque où la France est plongée dans le chaos. Hélène Brion, institutrice et militante ardente, s’impose comme l’une des pionnières du féminisme français, osant défier les conventions et les normes établies de son temps, au prix de sa carrière et de sa liberté.

Née en 1882 à Clermont-Ferrand, Hélène Brion grandit dans une France traversée par de profondes inégalités sociales et de genre. Très tôt, elle s’engage dans l’enseignement et adhère aux mouvements syndicaux et féministes, convaincue que l’émancipation des femmes passe par l’éducation et par l’action collective.

Lorsque la guerre éclate en 1914, et que les femmes se retrouvent à devoir remplacer les hommes mobilisés tout en restant privées de droits fondamentaux comme le suffrage, Brion choisit de prendre la parole pour dénoncer cette contradiction.

Dès 1915, elle se rapproche des milieux pacifistes internationaux inspirés par la création de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, née à La Haye. Si elle n’en fut pas officiellement membre fondatrice, ses écrits et ses prises de position rejoignent les préoccupations de ce mouvement : mettre fin à un conflit qu’elle perçoit comme une entreprise patriarcale et destructrice, et faire reconnaître aux femmes leur rôle dans la construction d’une société plus juste.

Elle insiste avec force sur le lien entre militarisme, inégalités sociales et oppression des femmes.

Mais ses engagements lui valent bientôt la méfiance des autorités françaises. En 1917, en pleine guerre, elle est arrêtée et inculpée pour « propagande défaitiste », accusée d’avoir diffusé tracts et publications pacifistes.

Son procès, tenu en mars 1918 devant le Conseil de guerre, marque un moment clé de l’histoire féministe et pacifiste. Devant les juges militaires, Brion déclare avec fermeté qu’elle est « féministe avant d’être pacifiste », réaffirmant que l’égalité entre les sexes est la condition d’une société meilleure.

Elle est condamnée à trois ans de prison avec sursis et à la révocation de l’enseignement, sanction lourde qui brise sa carrière mais consacre son image de résistante aux pressions patriotiques.

Après la guerre, Hélène Brion poursuit ses combats. Elle continue d’écrire, de militer pour l’égalité professionnelle et pour l’accès des femmes à l’éducation.

Si son rôle public s’efface quelque peu face à d’autres grandes figures du féminisme de l’entre-deux-guerres, son procès reste un symbole éclatant de la répression des voix dissidentes et du lien indissociable entre pacifisme et émancipation des femmes.

Il faudra attendre 1944 pour que les Françaises obtiennent enfin le droit de vote, mais les luttes menées par des militantes comme Hélène Brion auront préparé ce tournant historique.

Aujourd’hui encore, son nom demeure associé au courage d’avoir tenu tête à l’État et à l’armée en pleine guerre mondiale, pour défendre ses convictions. Hélène Brion, par son audace et sa détermination, a ouvert une brèche dans l’ordre établi, laissant un héritage qui continue d’inspirer les luttes pour la paix et l’égalité.