Au Japon, les théâtres érotiques populaires vivent leurs derniers feux. Une plongée rare dans un univers peuplé d’artistes performeuses qui incarnent un imaginaire menacé par l’offre numérique et virtuelle.

Les lumières baissent, les corps disparaissent dans la pénombre, un monde s’éteint. Chez les « Odoriko », le temps est à la mélancolie, le regard rivé vers un avenir chargé d’incertitude. Les strip-teaseuses japonaises savent que leur art vit ses dernières années. Autrefois très populaires, les clubs d’effeuilleuses se meurent faute de public, le nouveau commerce du sexe virtuel et la pornographie numérique pour tous les reléguant au rang de divertissement trop soft et ringard.  

Sous le regard des hommes absents 

« Il ne s’agit pas de nudité au sens propre, c’est comme si on portait un voile transparent. Et se dévêtir ne veut pas dire mettre son cœur à nu. » À la fois pudique et indiscrète, la petite caméra portative de Yoichiro Okutani s’infiltre dans l’intimité de celles qui, il y a peu encore, apparaissaient comme des vedettes inventives aux spectacles pétulants. Il filme les coulisses lézardées d’une vingtaine de théâtres qui survivent comme ils peuvent, s’attardant dans les loges vétustes, envers misérable de décors eux-mêmes décatis. Dans cet univers qui se sait condamné, où flottent encore les rêves nostalgiques et des flambées de sensualité, il dresse surtout le portrait poignant de femmes dignes, fidèles à leur métier et animées d’un fort sentiment d’entraide sororale. Devant ces miroirs qui leur disent la vérité sur le passage du temps, elles partagent leurs doutes existentiels et leurs espoirs, gardiennes fragiles d’un art qui s’estompe et dont les hommes ne semblent plus vouloir.

Documentaire de Yoichiro Okutani (France, 2020, 1h42mn)