Sous les abris de fortune qui protègent un million de Rohingyas apatrides des pluies de mousson, elles sont des milliers à vivre dans la honte, cloîtrées, hantées par le souvenir des violences sexuelles qu’elles ont subies il y a tout juste un an. Parmi elles, au sein de ce qui est devenu le plus grand camp de réfugiés du monde, certaines ont donné naissance à des bébés, fruits des viols perpétrés par les soldats birmans. Combien sont-elles ? Nul ne le sait précisément. Les humanitaires présents dans ces camps ont observé au printemps une hausse significative des naissances parmi les réfugiées, neuf mois exactement après le nettoyage ethnique perpétré par l’armée birmane et les milices de villageois bouddhistes contre les Musulmans rohingyas. Certaines de ces femmes se sont fait avorter, ou du moins l’ont tenté, d’autres se sont cachées pour mettre au monde leur enfant. La plupart d’entre elles sont aujourd’hui victimes d’ostracisme de la part de leurs familles et un grand nombre ont été répudiées par leurs maris, quand elles n’ont pas préféré abandonner leur bébé. Mais comme dans un réflexe de survie, cette communauté conservatrice semble avoir intégré une partie de ces enfants de la honte en son sein. Pour effacer la souillure de leur conception, ces bébés sont parfois confiés à d’autres familles dans le camp. Elles sont enfin une poignée, comme Solima, à refuser de laisser leurs agresseurs leur dicter leur destin. Ces mères courage font le choix de garder et d’assumer ces enfants non désirés, pour tenter de leur offrir un avenir. Conçus dans la violence, portés dans le secret, élevés dans la honte… ces enfants résument à eux seuls la malédiction des Rohingyas.