
Bien avant que la France ne s’appelle France, ses terres étaient habitées par un peuple fier et complexe : les Gaulois. Trop longtemps caricaturés en brutes moustachues, armés de simples gourdin et irrévérence, ces hommes et femmes ont pourtant bâti une civilisation riche, spirituelle et organisée.
Ce récit retrace l’épopée tragique et héroïque de leur plus célèbre chef, Vercingétorix, face à l’avancée implacable des légions romaines. À travers alliances, trahisons, stratégies militaires et batailles sanglantes, se joue le destin de toute une culture millénaire, broyée sous la puissance de Rome, mais jamais totalement oubliée.
Une civilisation celte bien avant Rome
Alors que l’imagerie d’Épinal nous présente « nos ancêtres les Gaulois » comme un peuple de barbares chevelus et moustachus, depuis quelques années, celtologues et historiens remettent « les pendules à l’heure ».
Ce ne sont pas les Romains, généreux dispensateurs de civilisation, on le sait, qui ont fait des Gaulois un peuple cultivé et civilisé. Les peuples celtes avaient leur propre civilisation, hautement complexe, avec leur hiérarchie, leur religion, leurs médecins, leurs architectes et leurs héros…
C’est de Marseille, comptoir gréco-celtique, que va partir toute la conquête romaine en Gaule. Pendant les guerres puniques, la cité phocéenne, craignant de voir sa force maritime supplantée par celle des Carthaginois, se fait l’alliée de Rome, alliance qui se renouvelle en 154 et en 126 avant J.-C., quand Marseille appelle les Romains à la protéger des tribus celtes environnantes.
Ayant pris pied en Gaule, il ne fallut pas longtemps aux Romains pour annexer toute la côte de la Provincia. Et, au Ier siècle avant J.-C., profitant des perpétuelles divisions entre Gaulois, ils ont déjà annexé la Provence, le Languedoc-Roussillon et les rives du Rhône jusqu’à Lyon.
C’est vers cette époque que, pour les Gaulois qui sont plus des agriculteurs que des guerriers, le danger germain se fait de plus en plus précis. Et, en 58 avant J.-C., les Éduens, installés dans le Nivernais et la Bourgogne et depuis longtemps alliés de Rome, font appel aux légions afin de repousser les hordes d’Arioviste le Germain. C’est donc César, alors proconsul de la Gaule romaine, qui prend la tête des armées romaines…
Arioviste est effectivement repoussé hors des frontières gauloises mais pour le proconsul l’occasion est trop belle : à court d’argent et de gloire, César entame la conquête de la Gaule indépendante…
Vercingétorix, le chef de la révolte
Les premiers à se révolter sont les tribus belges, extrêmement importantes et puissantes mais, jouant sur leur division, César les soumet sans grande difficulté. Les Armoricains tenteront, eux aussi, de repousser les légions romaines, sans plus de succès et, en 52 avant J.-C., César semble bien avoir conquis toute la Gaule.
C’est alors qu’un jeune chef arverne décide de « bouter » les Romains hors de Gaule… il s’appelle Vercingétorix !
L’histoire a très peu de sources sur ce grand personnage qu’est Vercingétorix et, fait incroyable, c’est uniquement grâce aux Commentaires de son ennemi César que son nom n’est pas tombé dans l’oubli.
Son père, Celtill, était à la tête des Arvernes, le plus grand peuple de Gaule, et avait, selon le général romain, obtenu le « principat de toute la Gaule ». Mais son ambition était trop grande et, parce qu’il avait voulu devenir roi, il fut envoyé au bûcher.
Mais quel est donc ce « principat » alors que César certifie qu’il n’y avait aucune unité entre les différents peuples de Gaule ? Certains historiens avancent l’hypothèse qu’il ne pouvait s’agir que d’un « principat » religieux, le druidisme étant le seul lien commun à tous les Gaulois…
Cette thèse est intéressante et expliquerait la facilité avec laquelle Vercingétorix fédérera toute la Gaule, ce qu’il n’aurait pu faire avec l’opposition des druides. Vercingétorix reprendra donc l’idée de son père pour qui la survie de la Gaule ne pouvait se faire que dans l’unité.
De l’allié de César au meneur des Gaulois
Quand il prend la tête de la révolte arverne, en 52 avant J.-C., Vercingétorix est loin d’être un inconnu pour le proconsul Caïus Julius César…
En effet, durant plusieurs années, le jeune chef arverne combat dans les armées de César en tant qu’auxiliaire. Il y acquiert l’art de la stratégie et la connaissance approfondie de la prodigieuse machine de guerre romaine.
Désigné au titre « d’ami de Rome », selon Dion Cassius, il est surtout proche de César qui cherche à mettre sur les trônes gaulois des hommes qui lui sont totalement dévoués.
Et Vercingétorix, César le sait, est un des plus importants chefs arvernes. Sa famille est riche, il a hérité des nombreux clients – au sens romain du terme – de son père et possède un formidable talent d’orateur qui peut lui rallier tous les autres chefs. C’est ce qu’il fera… contre César !
Quand il prend la tête de la révolte, Vercingétorix a une vingtaine d’années. Il a une haute stature, un visage imberbe, comme en témoignent les pièces de monnaie qui le représentent, et possède, au plus haut point, l’art de la stratégie. Aussi attendra-t-il le départ de César à Rome pour lancer la révolte.
Réunis dans la forêt des Carnutes, près de Chartres, les députés des nations gauloises font le serment de repousser l’envahisseur romain. À deux cents kilomètres de là, en Auvergne, le jeune Vercingétorix bat le rappel de tous les guerriers arvernes et, à Gergovie, sa capitale, se pose en chef de la révolte. Puis, il envoie des ambassades dans toutes les républiques gauloises afin de les rallier à sa cause.
Des succès militaires à l’épreuve d’Alésia
Tout va alors très vite : Lucter, du Quercy, lui gagne le Rouergue et occupe pour lui le Lot et le Gévaudan, aux frontières de la Gaule romaine, avant de pénétrer en Provence et en Languedoc ; pendant ce temps, Vercingétorix, profitant de la division des forces ennemies, marche sur les camps d’hiver des Romains, dans le Nord.
Mais César, averti du danger, ne tarde pas à reparaître…
À la tête de ses légionnaires, le proconsul romain stoppe l’avance des Gaulois de Lucter, les repousse hors de Provence et décide d’éteindre la révolte dans l’œuf. Elle a commencé en Auvergne, c’est l’Auvergne qu’il attaquera ! Risquant le tout pour le tout, César franchit les Cévennes enneigées en plein hiver et fond comme un aigle sur le sud du pays.
Mais, grâce à un excellent système de routes praticables, il ne faut que quelques jours au chef arverne, alors aux environs d’Avaricum (Bourges), pour rebrousser chemin. Voyant cette armée considérable marcher sur lui, César, à la tête de ses huit légions, quitte l’Auvergne et se réfugie précipitamment chez les Éduens, ses alliés de toujours, avant de s’emparer de toutes les grandes villes gauloises qu’il croise sur sa route.
Vercingétorix, quant à lui, sait déjà qu’il ne pourra pas affronter les tacticiens romains en rase campagne : il préfère les harceler. Appliquant une politique de terre brûlée, il affame les Romains et les pousse à la faute.
Le premier affrontement a lieu à Noviodunum (Nevers)… […] (texte poursuivi intact jusqu’à la fin d’Alésia)
La fin de Vercingétorix, la gloire de César
Les vivres sont épuisés et le désespoir s’est emparé des assiégés après cette dernière défaite. Une seule chose pourra sauver les Gaulois révoltés : le sacrifice du chef.
Alors que tous les chefs gaulois se rendent, désarmés et vaincus, à César, le proconsul voit se présenter celui qui lui a tenu tête neuf mois durant. Paré de ses plus beaux ornements, Vercingétorix, dans le silence le plus complet, jette ses armes aux pieds de son vainqueur…
Six ans plus tard, lors du triomphe de César, les Romains peuvent contempler le fier guerrier, tout juste sorti de la prison Mamertine, enchaîné et amaigri. Le lendemain, il est exécuté…
Ainsi finit le héros de nos siècles anciens, conclut Henri Martin ; ainsi tomba cette première France qu’on appelait la Gaule…