À la lisière de la forêt primaire du bassin du Congo, la deuxième plus vaste au monde, cette somptueuse méditation sonore et visuelle exhume les racines coloniales de la destruction de la nature et du changement climatique.

En République démocratique du Congo, dans le bassin du grand fleuve et aux abords de l’immense forêt primaire, la deuxième plus vaste au monde après celle de l’Amazonie, la petite ville de Yangambi abrite les vestiges d’une station de recherche agronomique fondée au début du XXe siècle par les colonisateurs belges dans le but de développer l’exploitation agricole : l’Inéac (Institut national pour l’étude agronomique du Congo belge), aujourd’hui Inéra (Institut national pour l’étude et la recherche agronomique), semble peuplé de fantômes, de ses archives abandonnées à ses annexes rongées par la jungle. Entre ville et forêt, au fil d’une déambulation somptueusement filmée et sonorisée, Sammy Baloji, artiste et réalisateur congolais, regarde vivre les lieux, les gens et les choses, et fait résonner les existences oubliées de deux agronomes affectés au Congo, l’un en 1910, l’autre durant la Seconde Guerre mondiale. « Premier fonctionnaire belge à la peau noire », premier Congolais à avoir suivi des études supérieures en Belgique, Paul Panda Farnana (1888-1930) prend rapidement conscience de l’entreprise de pillage raciste et sanguinaire que constitue la colonisation belge et s’engage dans la lutte politique panafricaniste et nationaliste avant de retourner, « de guerre lasse », dans son village natal, pour y périr, peut-être assassiné. Le Flamand Abiron Beirnaert (1903-1941), lui, nommé directeur de la division « palmier à huile » de l’Inéac, a mis au point une variété hybride, le Tenera, dont le haut rendement a ouvert la voie à la monoculture et à la déforestation. Accident ou suicide ? Sa voiture s’est abîmée dans le fleuve, un matin de mai 1941.

Film poème

Quand leurs voix se sont tues, c’est à l’arbre Pachyelasma tessmannii, géant pluricentenaire appelé localement Likelo, que reviennent les mots de la fin, lui qui a survécu à la rage exploitatrice causée par la fièvre de l’argent. Témoin « des espoirs têtus des humains », peut-il encore sauver le monde ? Il possède en tout cas la capacité, avec ses congénères, d’emprisonner ce dioxyde de carbone qui a déjà inexorablement modifié le climat de la Terre… Méditation poétique et politique dont chaque mot, chaque plan, chaque son a été subtilement composé, L’arbre de l’authenticité exhume ainsi les racines coloniales et occidentales de l’injustice climatique et de la destruction de l’environnement, à l’écoute du chant de la nature.

Documentaire de Sammy Baloji (2025, 1h26mn) disponible jusqu’au 18/05/2026