Le parti que Chateaubriand prit en faveur des Grecs sa Note sur la Grèce et sa participation au comité philhellène de Paris en 1825 sont restés célèbres. On en a cependant moins retenu les circonstances: entré en disgrâce l’année précédente et révoqué du ministère des Affaires étrangères, il inscrivit cet engagement dans la «polémique» virulente qu’il mena désormais contre le gouvernement de Villèle pendant le règne de Charles X. Mais cette adoption de la cause grecque procédait d’un revirement par rapport à sa précédente position en tant que ministre : jugeant que la France n’avait rien à gagner dans un soutien des Grecs il avait en effet lui-même prôné l’attentisme qu’il combattit par la suite : en 1824 il affirmait encore que la France n’avait pas intérêt à soutenir la cause des Grecs qu’elle devait ménager la puissance ottomane et qu’elle ne devait pas prendre le risque de se brouiller avec les gouvernements européens pour lesquels elle était récemment devenue de pays vaincu en 1815 une puissance alliée.

L’étude de cette double position d’un Chateaubriand ministre et d’un Chateaubriand polémiste nous semble fournir un moyen de comprendre la complexité de ce qui se joua dans la France de la Restauration au milieu de la décennie 1820 et les voies de la transformation de la question grecque en question internationale. Elle permet sans doute d’identifier les mobiles d’une politique ou d’un engagement convictions profondes raison d’État intérêts personnels. Elle permet plus largement aussi de toucher le cœur de ce qu’a représenté le soulèvement grec de 1821 en France et en Europe : émergence de la question nationale et transformation de l’ordre établi par le congrès de Vienne où la logique des gouvernements un temps incarnée par Chateaubriand et les exigences de la société civile philhellène dont il devint l’une des grandes voix eurent à trouver des formes de compromis qui ne furent à leur tour pas sans effet sur le règlement de la question grecque et sur l’État hellène qui vit le jour après 1830.