Nourrie des flammes de la fête, comme de l’idylle naissante avec Verlaine, la poésie de Rimbaud connaît une fièvre majeure en 1871, lors d’un séjour à Montmartre. Enquête électrique et sensuelle dans le Paris de l’après-Commune.
Coutumier des fugues à Paris, qu’il a découvert sous état de siège par les armées prussiennes à l’été 1870, Arthur Rimbaud, tout juste âgé de 17 ans, délaisse à nouveau ses Ardennes natales pour gagner l’émulation de la capitale un an après. Il a fait parvenir l’un de ses textes au poète parnassien Théodore de Banville et vient de débuter une correspondance avec Paul Verlaine. « Venez, chère grande âme, on vous appelle, on vous attend ! », lui souffle dans une lettre le poète, de dix ans son aîné. L’adolescent parcourt les bouillonnantes ruelles de la butte Montmartre, autant que ses lieux de perdition, aux côtés de son nouvel ami qui l’héberge gracieusement. Ses poèmes se trouvent bientôt parcourus d’une transe nouvelle, qui intrigue les poètes du Parnasse. Lors du dîner mensuel de ce mouvement relativement jeune, fin septembre 1871, Rimbaud déclame les 25 quatrains d’alexandrins de ce qui demeurera l’un de ses poèmes les plus célébrés, « Le bateau ivre », et sidère l’assemblée. Mais derrière la maestria de cette « beauté du diable », selon Verlaine, couve un feu prêt à dévorer Paris, sans possible retour en arrière.
Déambulation ardente
Avec une remarquable recherche formelle, ce documentaire parvient à faire transpirer la poésie de Rimbaud via une foule de trouvailles visuelles. Grande habituée du fonds de l’Institut national de l’audiovisuel (INA), Flore-Anne d’Arcimoles y a puisé – comme au sein de nombreuses cinémathèques – des archives où résonnent les entrailles de Paris et où crépite encore le feu de la Commune, soulèvement si cher au jeune poète. Si seules de rares photographies détaillent son visage, l’ardeur du montage et d’une bande originale survoltée participe à convoquer sa présence, qu’accompagnent, inspirées, la voix de Zaho de Sagazan pour la lecture des poèmes de l’éternel adolescent, et celle de Félix Moati pour le commentaire. Au gré d’aplats de couleurs vives et d’effets psychédéliques, la chanteuse et le comédien s’emparent de strophes enfiévrées, autant d’extraits de poèmes pénétrés par ces six mois frénétiques et passionnels que vécut l’incandescent Rimbaud à Paris.
Documentaire de Flore-Anne D’Arcimoles et Grégoire Kauffmann (France, 2025, 52mn) disponible jusqu’au 20/05/2026