Brûlot politique et écologique dénonçant la misère sur fond de Grande Dépression, « Les raisins de la colère », roman culte de John Steinbeck, fit scandale à sa parution en 1939. Plongée dans une oeuvre à l’acuité rageuse. « Ils ne peuvent pas m’abattre maintenant, parce que ce serait trop flagrant. » Au printemps 1939, lorsque paraît Les raisins de la colère, roman de la révolte qui divise l’Amérique en révélant crûment la face sombre du capitalisme, John Steinbeck craint pour sa vie. Rigoureusement documenté, ce livre, écrit sur le vif, conte la terrible odyssée de la famille Joad, métayers de l’Oklahoma, chassés de leurs terres par les tempêtes de poussière et la mécanisation de l’agriculture, sur fond de crise de 1929 et de Grande Dépression. Jetés sur les routes à l’image d’autres crève-la-faim immortalisés à l’époque par Dorothea Lange, dont les photos apparaissent dans le film, ces migrants, confrontés à la misère à leur arrivée en Californie, sont parqués dans des camps. D’une violence et d’une force bouleversantes, le best-seller fiévreux, porté un an plus tard à l’écran par John Ford, participe du mythe américain – l’emblématique route 66 et la traversée des frontières –, en dévoilant l’envers de la conquête de l’Ouest, au travers d’un exode rural éreintant. Mais l’œuvre dénonce aussi l’exploitation cynique de tous les damnés de la terre, exilés qui subissent l’hostilité de populations plus nanties, hier comme aujourd’hui, en Europe ou en Californie. De son écriture à sa réception en passant par sa résonance universelle, le documentaire plonge dans ce livre furieux et foisonnant où Steinbeck avait mis toute son âme pour provoquer la colère et éveiller les consciences. Brûlot politique et écologique, le roman, considéré comme l’un des plus grands du XXe siècle, dénonce déjà l’agriculture intensive, la financiarisation de l’économie et la déshumanisation des migrants. Au fil de formidables lectures d’extraits par Denis Podalydès, d’images prégnantes de détresse de la Grande Dépression – qui rappellent d’autres tragédies contemporaines – et d’éclairages, dont les réflexions vibrantes de l’écrivain sur son œuvre, le film revisite ce livre culte, en montrant qu’il n’a rien perdu de sa prodigieuse acuité quatre-vingts ans après sa parution. Documentaire de Priscilla Pizzato disponible jusqu’au 26/01/2022.