Après plusieurs mois en Italie dans un camp de migrants, une jeune mère de famille ghanéenne a décidé de rentrer au pays. Un choix qui lui attire l’opprobre de son entourage.

L’Europe, Fati n’y avait jamais pensé. Pour son mari, en revanche, c’était le seul espoir. Sans emploi, le réparateur télé a quitté un jour leur village du Ghana pour prendre la route de l’exil. Il n’a pas pu aller plus loin que la Libye. Arrêté à Tripoli, il a demandé à Fati de le rejoindre. Confiant leurs quatre enfants à ses beaux-parents, elle a obéi et est tombée enceinte peu de temps après. L’occasion était à saisir : si elle accouchait en Europe, ils pourraient y rester. Le couple tente le voyage, auprès de passeurs : « Ils nous ont donné des boussoles et nous ont abandonnés en pleine mer. On a mis une semaine pour arriver en Italie », raconte-t-elle. À peine débarqués, ils échouent dans un camp de migrants. Au bout de six mois, Fati, qui ne supporte pas l’absence de ses enfants, se rend à l’ambassade du Ghana, à Rome, pour être rapatriée. Elle donnera naissance à leur cinquième enfant chez elle. Depuis, son mari a demandé le divorce, et elle subit l’opprobre de son entourage qui la considère comme une « ratée ». Autour d’elle, nul ne comprend qu’elle ait décidé d’abandonner après avoir surmonté toutes ces épreuves : « Tu as eu ta chance et tu l’as gâchée », lui assène-t-on.

Irrésistible pression

« Même si c’était dur » en conviennent certains, Fati aurait pu, avec l’argent gagné en Europe, remplir son devoir envers sa famille, gâter ses parents, ses frères et ses sœurs comme le font tous ceux qui sont partis. Ceux qui restent au pays ont une vision déformée de la vie des migrants sur le sol européen, et des attentes parfois irraisonnées. En recueillant leur parole, Fatimah Dadzie témoigne de l’irrésistible pression sociale qui pousse à l’exil les jeunes Africains les plus téméraires.

Documentaire disponible jusqu’au 27/03/2024