En 1974, le film érotique de Just Jaeckin, « Emmanuelle », défraie la chronique et bat tous les records de fréquentation des salles obscures. Anecdotes et petits dessous de cette épopée sensuelle qui a émoustillé la France de l’après-Mai 68 en quête d’émancipation et de libération des corps. Elle s’est trompée de porte et sa vie a basculé. En 1973, Sylvia Kristel, mannequin de 20 ans, se présente au casting d’une pub pour une machine à laver. Mais elle croise par erreur Just Jaeckin, pressenti pour réaliser un film coquin comptant surfer sur le succès du Dernier tango à Paris. Ce photographe de mode réputé a un flash : son héroïne, c’est elle, « ce grand échalas blond » ! Un an plus tard, Emmanuelle devient un « film événement » tel que le cinéma en a rarement connu : il rassemblera près de 350 millions de spectateurs à travers le monde et restera douze ans à l’affiche sur les Champs-Élysées. Teinté d’érotisme chic et esthétisé, le film est l’adaptation d’un récit sulfureux, vendu sous le manteau, et écrit sous le pseudonyme d’Emmanuelle Arsan, par l’épouse, dit-on, d’un diplomate qui l’a initiée au libertinage. Emmanuelle rencontre son époque, dans cette France post-Mai 68 en quête d’émancipation et de libération des corps. Prompte à toutes les expériences, la Hollandaise Sylvia Kristel devient l’emblème de la femme libérée… française, une véritable icône sexuelle. Sa carrière fut bien entendu vampirisée par ce rôle ensorceleur dont elle ne se départira jamais tout à fait. « Je suis assez pudique. Avant les scènes de nu, je prends quelques bières et la gêne s’en va.” C’est l’histoire d’un triomphe auquel, du producteur roublard (Yves Rousset-Rouard) au prude réalisateur en passant par la timide actrice principale, personne n’était préparé. De ce « coup » un brin opportuniste devenu phénomène de société, le documentaire de Clélia Cohen brosse un portrait amusé et contextualisé, rappelant qu’Emmanuelle a ouvert quelques brèches dans un monde encore corseté par la morale et la religion. Extraits, archives et souvenirs de l’équipe de tournage, mais aussi contrepoints d’Ovidie, de l’auteur Marc Gaudin, l’historienne Christine Bard ou la styliste Vanessa Bruno étoffent encore le regard sur cette épopée révolutionnaire… pour adultes consentants. On n’oubliera pas ce reportage d’époque où, sortant d’une projection sur les Champs-Élysées, un tartuffe vitupère : « C’est abject et ça n’apporte rien ! », visiblement encore tout fiévreux de ce qu’il vient de voir… Documentaire de Clélia Cohen disponible jusqu’au 24/08/2021.