Lors du conflit Iran-Irak, la République islamique de Khomeyni utilisa la photographie comme instrument de propagande. Le reporter de guerre iranien Saeid Sadeghi témoigne de son expérience dans un récit bouleversant. La réalisatrice Maryam Ebrahimi en tire un documentaire d’une force peu commune, où la mort joue une partition glaçante. « J’ai été un pion utilisé pour détruire l’espoir d’une nation. » Lorsque le photographe iranien Saeid Sadeghi évoque son rôle dans la guerre qui a opposé son pays à l’Irak, entre 1980 et 1988, ses larmes aux yeux sont le signe d’une honte qui, trente ans plus tard, le ronge encore. En 1980, alors jeune reporter, il est envoyé sur le front pour couvrir les premières offensives de Saddam Hussein à la frontière. Convaincu du bien-fondé de la Révolution islamique de l’ayatollah Khomeyni, il contribue par ses clichés à mythifier la résistance de son armée en exaltant la dimension héroïque des combattants. Il découvre pourtant l’épouvantable réalité d’un conflit qui, le long des 420 kilomètres de frontières communes, voit l’Iran envoyer ses troupes au massacre sans états d’âme. Les cadavres s’amoncellent dans ce qui s’avère être aussi une guerre de tranchées, les scènes apocalyptiques rivalisent de détails macabres. Saeid Sadeghi comprend peu à peu que le pouvoir utilise ses photos pour donner aux plus jeunes le désir de devenir des martyrs et répandre l’idéologie chiite, dans le but d’exporter sa révolution… Pour révéler la face cachée d’un passé traumatisant, Saeid Sadeghi parcourt aujourd’hui l’Iran à la recherche des survivants et de leur famille. Il veut témoigner de la propagande d’une théocratie qui a sacrifié la vie de milliers de soldats dans cette guerre meurtrière – près de 700 000 morts iraniens, irakiens et kurdes. De cette prise de conscience à la fois courageuse et touchante, Maryam Ebrahimi tire un film d’une force peu commune, où la mort joue une partition glaçante. Des archives vidéo, mais surtout les clichés sidérants de Saeid Sadeghi, dont on n’oubliera ni les visages souriants des adolescents en partance pour une mort annoncée ni les corps flétris dans le sable des tranchées, composent l’obsédante trame de cette réflexion sur le pouvoir des images. Les autorités iraniennes ont conservé les négatifs du photographe et les utilisent toujours sans son consentement. Documentaire de Maryam Ebrahimi disponible jusqu’au 29/05/2021.