Comme son titre l’indique, c’est un paradoxe qui préside à la volonté de raconter cette histoire : Aujourd’hui encore, et sans doute pour l’éternité, le Père Laval est un personnage de légende dans l’inconscient collectif du peuple mangarévien aux Iles Gambier de Polynésie française. Mais au 19ème siècle, comment cet homme, prêtre, missionnaire des frères de Picpus, dont l’objectif est de « sauver les âmes du grand pacifique », c’est à dire, à cette époque, d’éradiquer une culture, une religion, polythéiste de surcroît, une civilisation et lui en imposer d’autres, comment cet homme aura finalement « protégé » ces âmes et cette culture de la disparition complète, tout en les guidant dans la foi chrétienne catholique. Dans ce contexte historique du 19ème siècle, au colonialisme agressif, tôt ou tard ces îles auraient subit un choc de civilisation, inéluctable, irréparable et à leur profond détriment culturel bien sûr. C’est notre rencontre avec un jeune prêtre mangarévien et les longues discussions que nous eûmes, qui nous apportèrent un éclairage original sur cette histoire, sur cette véritable aventure humaine, celle d’un homme, qui, au contact de ce peuple mangarévien, est devenu lui-même plus mangarévien que ses ouailles, celle d’un homme qui les a aimés plus que lui-même. Nous avons donc choisi de faire raconter cette histoire « du dedans », par ce jeune prêtre issu de l’île de Rikitea aux Gambier, le Père Auguste « Uebe » Carlson, qui, en temps que mangarévien, est passé du rejet pur et simple de ce personnage « au côté obscure », responsable, au début, de la disparition d’une grande partie de la culture de ce peuple, puis progressivement, la foi du Père Auguste s’affermissant et lui proposant une grille d’analyse à la fois plus globale et plus subtile, a mieux appréhendé ce personnage hors du commun et finit par comprendre et accepter, voire admirer l’évolution de sa démarche. C’est le parcours de ce jeune prêtre, accroché au « basques » du Père Laval que nous voulons raconter, c’est d’une vision mangarévienne de ce paradoxe dont nous voulons rendre compte, l’Histoire, racontée par un descendant de ceux qui l’ont vécue. Un documentaire de Jacques Navarro-Rovira