Le portrait tout en muscles et en moustache de l’acteur Charles Bronson (1921-2003), un paradoxe aussi attachant que taiseux, devenu malgré lui l’icône d’une Amérique violente et paranoïaque. « Ce que je suis devenu me déçoit. » Dans la vie comme dans les films, Charles Bronson, né Buchinsky, parlait peu, mais franc. Quand il se confie ainsi à la presse, en 1975, il vient pourtant, à 54 ans, de conquérir une gloire hollywoodienne qu’il aura poursuivie durant près de trente ans. Peut-être pressent-il que son rôle de flingueur dans l’instantanément culte Death Wish (Un justicier dans la ville) va l’enfermer peu à peu dans une caricature de lui-même. Jusqu’à incarner, longtemps après sa mort, en 2003, l’icône d’une Amérique machiste, violente et paranoïaque, invoquée par Donald Trump dans ses meetings de campagne. Cogneur mélancolique, vedette mondiale boudée à domicile, mineur fils de mineur devenu l’acteur le mieux payé au monde, amoureux fervent abonné aux rôles de solitaires : l’inoubliable vengeur d’Il était une fois dans l’Ouest a porté ses contradictions avec le flegme impénétrable qui l’a rendu si magnétique à l’écran. Ce n’est pas le moindre des plaisirs procurés par ces retrouvailles avec la moustache la plus populaire du cinéma américain (après celle de Clark Gable) que de voir défiler les personnages incarnés par « Charlie » au fil des décennies. Ils se fondent dans la mémoire de générations de spectateurs en un même héros, aussi viril, sombre et taiseux qu’expéditif. Après une carrière de prolétaire étonnamment riche en avatars (qu’il énumère avec humour dans une archive savoureuse), des débuts laborieux de méchant à tout faire et une percée remarquée dans le film d’action (Les douze salopards, Les sept mercenaires, La grande évasion, mais aussi beaucoup de rôles d’Indiens, « cousins » par les origines « mongoles » de ce fils d’immigrés lituaniens), c’est en Europe qu’il devient d’abord célèbre : face à Delon dans Adieu l’ami, à Marlène Jobert dans Le passager de la pluie, puis en homme blessé qui n’a rien à perdre, en 1968, dans le chef-d’œuvre de Sergio Leone, Il était une fois dans l’Ouest. Un autre Italien, Dino De Laurentiis (dont on peut goûter au passage l’accent digne de Chico Marx), le ramènera chez lui, de l’autre côté de l’Atlantique… Nourri d’archives et d’extraits de films, choisis avec un sens gourmand du détail et de l’image, ce portrait documentaire couvrant plus de quarante ans de carrière ne prétend pas percer la carapace de Charles Bronson, mais tourne autour de l’attachant mystère qu’elle a protégé, puis fini par entraver. Documentaire de Jean Lauritano disponible jusqu’au 14/12/2021.