La franco-vietnamienne Tran To Nga avait assigné en justice 14 multinationales, qui ont produit le fameux « agent orange », ayant causé des ravages pendant la guerre du Viêtnam. Ce lundi 10 mai, le tribunal d’Evry a jugé cette plainte irrecevable. Son argument ? Les entreprises ont agi au nom d’un Etat, souverain dans sa politique de défense. Et qu’à ce titre, un tribunal français n’était pas compétent pour se prononcer. « J’ai vu l’avion passer et, derrière lui, c’était comme un nuage. » Dans le cadre de l’opération Ranch Hand (1962-1971), les États-Unis ont déversé des millions de litres d’agent orange sur le territoire vietnamien, pour détruire les forêts où se cachaient les résistants du Front national de libération, et les cultures agricoles qui les nourrissaient. Après l’arrêt de cette guerre chimique, l’armée américaine a incinéré et enfoui les excédents de défoliant, provoquant une contamination durable en divers endroits de la planète. L’usage de l’herbicide est pourtant resté autorisé dans les forêts et pâturages américains, loin de tout contact humain. Il a fallu attendre 1983 pour que Dow Chemical retire du marché ses produits contenant de la dioxine, un poison produit lors de la fabrication de l’agent orange, à l’origine de cancers et de malformations congénitales. En 2014, Tran To Nga, ancienne reporter dans la jungle sud-vietnamienne, victime des épandages, a assigné en justice vingt-six fabricants américains (dont Monsanto et Dow Chemical) depuis la France, où elle réside. De son côté, l’activiste américaine Carol Van Strum mène depuis plus de quarante ans une lutte sans relâche pour établir – à travers, notamment, la publication des « Poison Papers » – la responsabilité de l’industrie agrochimique, et mettre fin à ce désastre humain et écologique. Des centres de soins vietnamiens pour les victimes de l’agent orange, où une quatrième génération d’enfants est née avec des difformités effroyables, aux forêts empoisonnées de l’Oregon, Alan Adelson et Kate Taverna ont enquêté sur les décisions et les dissimulations ayant conduit à ce scandale qui perdure – l’un des deux composants de l’agent orange, le 2,4-D, classé comme « probablement cancérigène » par le Centre international de recherche contre le cancer, étant encore largement utilisé. Leur documentaire rend également un émouvant hommage au combat de deux femmes qui ont refusé d’abdiquer malgré la maladie, les intimidations et les désillusions. Documentaire d’Alan Adelson et Kate Taverna disponible jusqu’au 10/06/2021.