Le buste de Néfertiti a-t-il encore sa place dans un musée berlinois ? Enquête sur une querelle qui agite le milieu universitaire et l’opinion publique égyptienne. 

C’est une sculpture polychrome merveilleusement bien préservée, dont le visage altier, délicat et étrangement contemporain ne cesse de fasciner : le buste de Néfertiti, grande épouse royale d’Akhenaton morte aux environs de 1333 av. J.-C., n’a pourtant jamais été présenté au public dans son pays d’origine. Exhumée en 1912 lors de fouilles menées par l’équipe de l’égyptologue allemand Ludwig Borchardt, l’œuvre a été envoyée sans attendre à Berlin, avant de devenir l’objet de tractations franco-allemandes interrompues par Adolf Hitler. Elle constitue encore à ce jour l’une des pièces maîtresses du Neues Museum berlinois, où une salle entière lui est consacrée. Si la répartition des découvertes se fait à l’époque dans une apparente légalité – ce que contestent aujourd’hui certains égyptologues, comme l’ancien ministre Zahi Hawass –, le contexte colonial autorise à questionner cette légitimité, qui prive l’Égypte d’un pan inestimable de son histoire antique. À l’heure où les débats s’intensifient sur la question des restitutions d’œuvres d’art, le buste de Néfertiti fait figure de pomme de discorde, au grand embarras de l’institution muséale berlinoise… 

Histoires de spoliations  

« Ce que les musées n’ont jamais fait, c’est de montrer comment ces pièces-là sont arrivées », souligne l’historienne de l’art Bénédicte Savoy, spécialiste des « translocations patrimoniales ». En se penchant sur le parcours du buste de Néfertiti, ce documentaire creuse cet angle mort qui cache des « histoires de violence, de spoliation, d’humiliation » et fait entendre les voix égyptiennes sur cette épineuse question. Alors qu’un nouveau musée archéologique doit prochainement ouvrir ses portes au pied des pyramides de Gizeh, enjeu de taille pour le rayonnement culturel du pays, le débat sur cette « célébrité » absente mais omniprésente dans l’imaginaire collectif égyptien s’empare désormais de l’opinion publique, en se teintant de revendications nationalistes.

Documentaire de Grit Lederer (Allemagne, 2022, 53mn)

Disponible jusqu’au