A Nantes, le musée des Beaux-Arts compte parmi ses chefs-d’oeuvre le portrait d’une Olympienne insaisissable au regard envoûtant. Derrière cette énigmatique jeune femme se cache Madame de Senonnes, une vicomtesse française peinte par Jean Auguste Dominique Ingres en 1814, à Rome. Un parfum de scandale a toujours entouré cette peinture. Témoignages d’experts à l’appui, Enquête d’art lève le voile sur son mystérieux modèle. Dans la ville de Rome, alors sous occupation française, Marie Marcoz, fille d’un drapier lyonnais, souffre d’une réputation sulfureuse. Son tort ? Avoir divorcé, un acte socialement inacceptable pour l’époque. Alors qu’elle mène une vie de bohème, elle rencontre le vicomte de Senonnes, un aristocrate angevin. Malgré les rumeurs, l’homme épouse celle qu’on surnomme « la Trastévérine », en référence au quartier populaire romain où les artistes trouvaient leurs modèles. Formé à l’atelier de David à Paris et lauréat du prestigieux prix de Rome, Ingres, désormais notoirement connu, est sollicité par le vicomte qui lui commande un portrait de sa femme. A la mort des protagonistes, les héritiers du tableau n’ont qu’une chose en tête : se défaire de l’oeuvre représentant cette fille de mauvaise fréquentation. Remisée pendant une dizaine d’années dans un château, puis vendue en 1852 par une nièce du vicomte, la peinture est finalement rachetée par le brocanteur Bonnin à Angers pour une modique somme. Par un heureux et incroyable hasard, la ville de Nantes retrouve sa trace, l’acquiert pour 4 000 francs en 1853 et finit par obtenir son authentification du vivant d’Ingres. Le travail sur les courbes et les lignes, les effets de lumière et de miroir, la déstructuration de la composition… font du Portrait de Madame de Senonnes une merveille. Grâce à ce travail exceptionnel, le peintre originaire de Montauban pousse à son summum l’art du portrait, inspirant par la suite de nombreux artistes à l’instar de Picasso