D’ascendance aristocratique mais probablement bâtarde, Dōgen eut une vocation mystique des plus précoces. À la mort de sa mère, alors qu’il était âgé de sept ans, lors des funérailles de cette dernière, « en regardant s’élever la fumée de l’encens au-dessus du temple où elles avaient lieu, il prit conscience de l’impermanence de la vie. Dès lors, se manifesta en lui l’esprit d’Eviel », écrit son biographe. À l’époque, la principale école bouddhiste japonaise, l’école Tendaï, celle au sein de laquelle Dōgen lui-même avait été formé, trop proche du pouvoir et devenue trop riche, tombait en décadence. Dōgen est alors parti en Chine où il a trouvé son maître et est resté deux ans, dans l’idée de rendre au bouddhisme japonais la pureté supposée de ses origines, en important dans son pays l’authentique tradition du Zen (T’chan) chinois. Mais il se trouva progressivement contraint à faire ce qu’il avait voulu éviter : fonder une école distincte, le Soto, héritier du Caodong chinois. Cette école a continué jusqu’à nos jours où, par le nombre de ses fidèles, elle est la branche la plus importante du bouddhisme zen japonais.
Dōgen fut aussi un écrivain remarquable et il a laissé une œuvre considérable centrée autour du Shôbogenzo (Le Trésor de l’œil de la Vraie Loi), rédigé en japonais, non en chinois (contrairement aux habitudes de l’époque), dans laquelle il insiste sur la pratique de la méditation assise. Son langage est novateur, ses concepts « philosophiques ».
Aujourd’hui encore, les Japonais le tiennent pour un de leurs plus profonds penseurs et n’hésitent pas à le comparer avec des philosophes occidentaux, de Socrate à Heidegger.