Aimer Jeff Koons protège-t-il de la maladie d’Alzheimer ? Les patients Alzheimer ont-ils des goûts esthétiques différents de ceux d’une population témoin ? En perdant leur mémoire culturelle qui nous influence et nous entrave, accéderaient-ils à des éléments qui nous dépassent ? Le classement établi par un groupe de patients montre un choix préférentiel pour le « flower balloon » de Jeff Koons. Quelles en sont les raisons ?

– L’œuvre volumineuse ressemble à un ballon de baudruche gonflé qui évoque le monde de l’enfance. On peut aussi y voir de gigantesques seins maternels, première œuvre d’art à laquelle nous sommes confrontés selon Darwin, à la fois érotique, gastronomique et esthétique. Le petit goéland s’intéresse fortement à la tache rouge sur le bec de sa mère qui annonce son repas mais préférera un leurre de plus grandes dimensions, sa mère couvera plus volontiers un œuf factice s’il ressemble au sien mais en plus volumineux : c’est la loi de du changement maximal qui fait le bonheur des caricaturistes.

– La couleur jaune dorée de la sculpture de Koons est celle que recherchait Van Gogh lorsqu’il voulait nous offrir le soleil, on la retrouve dans les études d’expression colorée de l’humeur chez les aphasiques : elle représente la quiétude alors que le gris et le noir signalent l’anxiété et la dépression. La simplicité de l’œuvre permet également à l’attention de ne pas se disperser (loi de neuroesthétique dite de « la litote ») et l’on y retrouve même la fameuse « ligne serpentine », essence ultime de la beauté chère à Michel-Ange et à la Renaissance. Enfin elle est parfaitement réfléchissante, l’attirance pour une œuvre étant souvent liée à l’impression consciente ou non de familiarité qu’elle nous procure, en résonnance avec notre biographie.

– Les neurones miroirs couplés aux circuits du plaisir et de la récompense peuvent fournir un support neuronal à l’empathie esthétique, au ressenti de l’intérieur cher aux philosophes qui orientera les patients vers la quiétude promise par l’œuvre de Koons. Elle revêt alors une dimension thérapeutique. C’est peut-être pour cette raison que les patients entrent également en résonnance avec les champs colorés des toiles de Mark Rothko, lui qui a tant appris des enfants et a traversé seul les Etats-Unis à la recherche de son père avec une pancarte autour du cou indiquant « je ne parle pas votre langue ».