D’un côté, l’image d’Epinal de Saint-Tropez : son petit port coloré, ses artistes en goguette (Paul Eluard, Pierre Brasseur, Pablo Picasso, Boris Vian, Don Byas, Duke Ellington, puis plus tard Brigitte Bardot, etc.) et bientôt ses villas, ses touristes, ses yachts et ses milliardaires de passage. Pourtant, comme le rappelle Jean-Pierre Tuveri, le maire depuis 2008, l’économie de cette ville de la Côte d’Azur n’a pas toujours reposé sur le tourisme, le commerce de luxe et la spéculation immobilière. « Au lendemain de la seconde guerre mondiale, c’était en quelque sorte un village de prolétaires, où l’on votait communiste », rappelle-t-il. A l’époque, le fer de lance de l’économie locale était une usine de torpilles pour laquelle travaillaient la plupart des Tropéziens.
Selon quel cheminement le village s’est-il métamorphosé, à ce point, au fil du temps ? Voilà la question à laquelle répond ce documentaire, Un documentaire réalisé par Stéphane Bentura. Sans véritablement dévoiler de secrets (comme semblait l’annoncer son titre), le film retrace l’histoire du village en interrogeant des figures locales, mais aussi ses élus politiques d’hier et d’aujourd’hui. Centrée sur le problème de la spéculation immobilière et sur la bataille politique entre les deux anciens maires, Jean-Michel Couve et Alain Spada, la dernière partie du documentaire est de loin la plus intéressante.
Comme le souligne le réalisateur, les scandales immobiliers ont semé la zizanie dans le village à partir des années 1980. Sur les quelque mille hectares de collines entourant le vieux port de pêche, des dizaines de villas sont ainsi sorties de terre grâce aux permis de construire accordés par le maire RPR de l’époque, Jean-Michel Couve, peu regardant quant aux règles de l’urbanisme. « Nous avons considéré, avec les membres de mon équipe, que sur les terrains de plus d’un ou deux hectares, je ne me souviens plus, il y avait la possibilité de réaliser ce que l’on appelle une tache blanche, c’est-à-dire de construire une maison afin que les terrains en question soient entretenus et donc protégés des incendies », affirme ce dernier. Et son rival, Alain Spada, longtemps surnommé « le maire antibéton », de rétorquer : « Si on construit tout et partout pour qu’il n’y ait plus de feu… Il n’y aura certes plus de feu mais il n’y aura plus de nature non plus ! » Jetant un regard lucide sur ce village mythique désormais aux mains de quelques hommes d’affaires richissimes, le réalisateur montre enfin comment la spéculation a même fini par vider Saint-Tropez de ses habitants (à l’année). En quinze ans, leur nombre a diminué d’un tiers, et ils ne sont plus que quatre mille cinq cents aujourd’hui. (Le Monde – 09 2013)
Stéphane Bentura prend à contrepied le « Saint-Trop » des clichés en choisissant un autre point de vue : celui des Tropéziens adeptes de cette vie simple et festive que les premiers « estrangers » ont adorée .
Jusqu’à la bascule des années 1980, celles des promoteurs immobiliers sans vergogne. Saint-Tropez est alors devenue une proie et les Tropéziens se sont divisés sur l’avenir de leur village. Un documentaire Un documentaire réalisé par Stéphane Bentura.