Ils sont huit et étaient tous ensemble au lycée Victor-Duruy dans le très chic 7ème arrondissement de Paris. Fils et filles de médecins, hauts fonctionnaires et cadre supérieurs, ils sont les enfants de cette élite française dont on parle tant sans vraiment savoir ce dont il s´agit. De leurs 16 ans jusqu’à la veille de leurs trente ans, de 2003 à 2016, chaque année ils se sont confiés, nous donnant à voir – de l’intérieur – ce qu’est réellement la « reproduction des élites ». La durée exceptionnelle du tournage – tous les ans pendant près de 15 ans – et sa configuration particulière – uniquement deux personnes, la réalisatrice Julie Gavras au son et à l´image et Emmanuelle Tricoire, leur ancienne professeur d´histoire – ont permis de laisser la parole libre aux protagonistes et de les filmer au plus près pour construire des portraits variés, bienveillants sans être complaisants et intimes sans être voyeurs. À travers eux, le documentaire donne à voir cette décennie déterminante de la vie, cette période universelle des « premières fois » : premiers amours, premiers voyages sans parents, premiers appartements, premiers travails… Une série de portraits qui permettent aussi de dessiner les contours d´une classe sociale aisée, des jeunes qui grandissent dans de bonnes conditions. Un milieu social rarement représenté de façon juste, les stéréotypes sont légions et il est de bon ton de vilipender l´« élite parisienne », terme fourre tout. Car comme le rappelle, en creux, le sociologue Nicolas Jounin dans Voyage de Classe : « Des grandes `enquêtes sociales´ du XIXème siècle jusqu´à aujourd´hui, il n´y a pas plus enquêté que les pauvres. Des disciplines entières, dont la sociologie, se sont construites autour de leur auscultation, qu´elle soit méprisante, solidaire, compassionnelle ou indignée (…) En France, rares sont les enquêtes sur les riches, la bourgeoisie, l´élite »