Entre parcours éblouissant, indépendance artistique et engagements, un portrait de Kirk Douglas, l’un des derniers géants de Hollywood, disparu le 5 février 2020 à 103 ans. « Je suis un snob à l’envers, fier de mes origines et de mes parents », confiait-il en français à Bernard Pivot sur le plateau d’Apostrophes en 1989, à l’occasion de la publication de ses mémoires, Le fils du chiffonnier. Seul garçon d’une fratrie de sept enfants, dont les parents avaient fui les pogroms d’Ukraine à l’orée du XXe siècle, Kirk Douglas, né Issur Danielovitch Demsky, a grandi à Amsterdam, au nord de l’État de New York, entre misère et élans solidaires. Cumulant les petits boulots, l’adolescent féru de poésie se bat pour entrer à l’université puis à l’Académie d’art dramatique de New York, où il croise sa première épouse, Diana Dill, la mère de ses fils Michael et Joel, et Lauren Bacall, amoureuse puis amie, qui lui obtiendra son premier rôle au cinéma dans L’emprise du crime en 1946. Sacré star trois ans plus tard en boxeur dans Le champion, l’acteur athlétique à la légendaire fossette ne quittera plus dès lors le firmament hollywoodien, enchaînant, sous l’œil des plus grands, de King Vidor à Howard Hawks, comédies, westerns, films noirs ou péplums avec un égal succès. Créant sa société de production en 1955, la Bryna (le prénom de sa mère), Kirk Douglas affiche dès lors une farouche indépendance, passant parfois derrière la caméra, notamment pour son film préféré Seuls sont les indomptés. Bouleversant de fragilité dans La vie passionnée de Vincent Van Gogh, il croit au jeune Stanley Kubrick, et finance son manifeste antimilitariste Les sentiers de la gloire. Démocrate engagé, l’inoubliable interprète de Spartacus, qui protestera à Washington contre le maccarthysme, soutiendra aussi haut et fort Dalton Trumbo, le scénariste du film, emprisonné après son refus de témoigner devant la Commission des affaires antiaméricaines, exigeant que son nom figure au générique de Liaisons secrètes. À sa mort en 2020, ce philanthrope a légué, par le biais de la fondation qu’il avait créé avec son épouse Anne, la quasi-totalité de leur fortune à des œuvres de bienfaisance. Retraçant au fil d’archives la prodigieuse filmographie et les combats de Kirk Douglas, ce portrait documenté montre comment, au-delà du rêve américain, celui qui fut l’un des derniers géants de Hollywood a conservé, au cours de son siècle de vie, son intégrité et son regard aiguisé sur le monde. Admirateur d’Elia Kazan et de John Cassavetes, celui qui, racontait-il, désarçonnait John Wayne parce qu’il ne craignait pas d’exposer sa vulnérabilité à l’écran n’éprouvait nulle nostalgie pour l’âge d’or, curieux de nouveaux talents. Alliant intelligence et élégance, un acteur-producteur aussi libre qu’attachant. Documentaire de Hubert Attal.