Montage subjectif d’archives arrachées à l’oubli, un hommage poignant à l’avant-garde artistique marocaine des années 1970, anéantie par la dictature de Hassan II.  Art, subjectivité, émancipation : au Maroc, à la fin des années 1960, une génération grandie avec l’indépendance cherche à inventer de nouvelles formes d’expression, en écho à la contestation ouvrière et estudiantine qui prend forme dans les villes, et aux revendications du tiers-mondisme et du Black Power. Vitrine de cette avant-garde foisonnante, entre émulation collective et désir d’expérimentation tous azimuts, la revue Souffles brasse cinéma, théâtre, arts plastiques, littérature et musique. Ce bref âge d’or va susciter la répression impitoyable du régime de Hassan II, qui en effacera jusqu’au souvenir. Les œuvres seront interdites, puis oubliées ; leurs auteurs, au mieux réduits au silence ou à l’exil, au pire condamnés à de longues années de prison et de tortures, ou « disparus », comme le socialiste Ben Barka quelques années plus tôt.  En un collage très subjectif, qui chemine en liberté à travers les fragments éclatés d’archives de films, d’images d’actualité, de photos, d’affiches et de textes sauvés de la destruction, Ali Essafi exhume ce continent englouti pour en faire résonner l’audace, la beauté, la drôlerie, l’espoir. Bercé par une vibrante BO d’époque, porté aussi par les récits croisés d’un ancien détenu politique, Aziz, et du cinéaste Mostafa Derkaoui, auteur d’un film enterré par la censure (De quelques événements sans signification, 1974), son poignant montage fait ressentir aussi la distance qui sépare notre présent de ce temps passé, et perdu, comme les bribes indéchiffrables d’un rêve ou d’une chanson oubliée qui affleurent à la mémoire. Documentaire d’Ali Essafi.