En novembre, les grands électeurs Américains départageront Donald Trump et Hillary Clinton. Au même moment, c’est moins connu, des dizaines de millions d’Américains éliront leurs juges : dans 39 Etats sur 50, les magistrats sont soumis au suffrage universel. Du coup, comme des hommes politiques, les juges doivent financer des campagnes électorales et tenter de séduire les électeurs ! Avec quelles conséquences sur la justice ? Des juges dont la campagne a été financée par des grandes entreprises peuvent-ils, ensuite, les juger en toute impartialité ? Certains acteurs financent-ils des juges pour obtenir des jugements biaisés ? Quand un juge doit séduire les justiciables, qui sont aussi ses électeurs, peut-il juger sereinement, notamment lorsqu’il est question de la peine de mort ? Une justice appartenant au peuple, et rien qu’à lui… Belle idée sur le papier, le principe d’élection des juges par les citoyens américains, en vigueur dans trente-neuf Etats sur cinquante, a été instauré dans le but d’empêcher les pressions politiques. Le hic ? Faute de financement public, les candidats à la Cour suprême sont obligés de faire appel à des fonds privés, ce qui suscite de nombreux accrocs à la règle d’impartialité. De l’Arkansas à l’Ohio en passant par l’Illinois, Sylvain Pak a crapahuté dans différents Etats pour suivre des campagnes électorales et ausculter les dérives du système : magistrats corrompus rendant des décisions favorables aux entreprises qui ont financé leur candidature, lobbies surpuissants recrutant directement des juges « amis » ou utilisant leur force de frappe pour discréditer certains magistrats… Et quand la pression ne provient pas des milieux d’affaires, elle émane directement d’un électorat favorable à 60 % à la peine capitale : selon une étude, lorsque les juges sont élus, les annulations de condamnations à mort se révèlent deux fois moins nombreuses que dans les Etats où ils sont nommés…