A l’extrémité orientale de la Turquie, exactement à la frontière avec l’Arménie, le site archéologique d’Ani a toujours été un enjeu mémoriel pour les deux pays dont la relation conflictuelle reste marquée par le génocide des Arméniens à partir de 1915.
En cet été 2024, le gouvernement turc a lancé une nouvelle campagne de fouilles archéologiques au milieu des ruines du Xème siècle, situées sur un haut plateau inhospitalier et battu par les vents. Si la Turquie ne conteste pas l’identité originelle de la cité médiévale, construite par les Arméniens chrétiens, l’Etat turc du Président Erdogan y ajoute une connotation religieuse par la mise en avant d’une mosquée présente sur le site, qui serait la première d’Anatolie. L’identité musulmane de la Turquie avait déjà été affirmée de façon spectaculaire en 2020, par la conversion de la basilique Sainte Sophie à Istanbul en mosquée.Malgré l’autoritarisme de la Turquie d’Erdogan, qui a emprisonné à vie Osman Kavala, mécène d’une application mobile consacrée au site d’Ani et partisan historique d’un dialogue entre la Turquie et l’Arménie, certains Turcs refusent cette dérive et le disent. Par exemple, cet architecte qui restaure une église chrétienne sur le site d’Ani, dénonce les mensonges au sujet de la mosquée, ou encore ce haut fonctionnaire à la retraite qui se désole de la conversion des églises arméniennes en mosquées comme dans la ville de Kars, à quelques kilomètres d’Ani. S’il y a un point sur lequel les populations des deux pays se retrouvent, c’est pour réclamer l’ouverture de la frontière terrestre entre la Turquie et l’Arménie, fermée depuis 1993. En attendant, les villes voisines de Kars en Turquie et Gyumri en Arménie, sont chacune dans un cul de sac peu propice à leur développement. Et, du côté arménien, on dénonce l’islamisation des sites religieux arméniens par la Turquie du Président Erdogan. Le conflit du Karabagh n’a pas arrangé les choses : aujourd’hui, la relation entre les deux pays est au point mort. La restauration de la cité d’Ani, classée depuis 2016 au patrimoine mondial de l’Unesco, jetterait pourtant une passerelle entre les deux pays, contribuant à normaliser leurs relations difficiles.
Disponible jusqu’au 10/07/2054