Y a-t-il une différence entre voyage et tourisme ? Existe-t-il une façon durable de parcourir le monde ? Peut-on être décroissant et en mouvement ? Le lointain doit-il le rester ? C’est à la méditation de ces questions que nous conviera Thierry Paquot, philosophe français et professeur émérite à l’Institut d’urbanisme de Paris. L’Office Mondial du Tourisme fanfaronne : les touristes sont de plus en plus nombreux et le cap des deux milliards sera prochainement franchit ? Que signifie qu’un Terrien sur quatre soit à un moment de l’année un touriste ? Une plus grande tolérance envers autrui ? Une ouverture d’esprit marquée par une curiosité sans limite et une disponibilité accrue envers ce qui nous est étranger ? Le tourisme n’est pas neutre. Il favorise une économie globalisée aux retombées locales minimes et banalise un néo-colonialisme de subordination généralisée… De même, croire que le hit-parade des « hauts lieux » de l’Humanité mis en place par l’Unesco stimulerait une « mémoire collective » aux fonctions éducatives se révèle un incroyable leurre. La multiplication des équipements standardisés (aérogares, hôtels, musées, fronts de mer et de fleuve, « quartiers historiques », etc.) et des coûteux « événements » (Jeux Olympiques, Expositions universelles, etc.) homogénéisent les sites, leurs temporalités et leurs spectacles. Le pic pétrolier et le dérèglement climatique appellent à une plus grande responsabilité envers le pourquoi et le comment des mobilités. Le tourisme est déjà responsable de 8% des émissions mondiales de gaz à effet de serre… Faut-il, là aussi, décroître ? Il convient, à coup sûr, de rompre avec le tourisme massifié (et ses sous-produits que sont les tourismes sexuel, médical, équitable, durable…) et de privilégier le voyage et ses acclimatations progressives aux cultures que l’on découvre, plus lent, plus économe, plus attentif. L’être humain est relationnel, il serait aberrant de lui interdire de voyager ! Mais, compte tenu des nouvelles contraintes environnementales, il devient indispensable de repenser le proche et le lointain, ces deux aimants de toute boussole existentielle.