En 2011, plus de onze mille praticiens ont été mis en cause pour des erreurs médicales en France. C’est un tiers de plus qu’il y a dix ans. Faut-il en déduire que la qualité des soins prodigués dans nos hôpitaux se dégrade ? L’enquête de Stéphane Girard et Céline Chassé explore une autre piste, celle de la ­judiciarisation galopante des affaires sanitaires, soutenue par la multiplication des avocats spécialistes et la puissance de certaines associations. Chargées d’arbitrer les conflits entre patients et médecins, les CRCI ( Commissions régionales de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux) ont vu leur activité et le nombre de saisines doubler en l’espace d’une décennie. Les plaignants, s’estimant victimes de fautes d’appréciation, d’affections nosocomiales ou d’interventions chirurgicales mal menées, peuvent naturellement ­espérer des dommages et intérêts si la responsabilité du praticien est établie. Pas plus. Chaque année, des quelque quarante-cinq mille médecins hospitaliers que compte l’Hexagone, deux seulement, en moyenne, se verraient interdire d’exercer, assurent les journalistes. Pourtant convaincus d’erreurs souvent ­répétées, certains praticiens – l’enquête détaille deux exemples concrets – continuent d’exercer tout à fait librement leur métier. Dans le milieu, on les appelle les « médecins migrateurs » : pour se refaire une réputation, ils se contentent de déménager. L’aveu d’impuissance de Michel Fillol, secrétaire général adjoint du conseil de l’ordre des médecins – « le conseil de l’ordre ne peut se substituer à la justice » -, n’en est que plus glaçant. Documentaire Un documentaire réalisé par Stéphane Girard et Céline Chassé,