Superstar du rire américain, Eddie Murphy fut le premier Afro-Américain mondialement adulé par un public blanc. Le portrait joyeux d’un artiste consensuel qui n’a jamais mis sa langue dans sa poche.

Smoking à queue de pie, grand sourire et tonnerre d’applaudissements : s’apprêtant à remettre l’Oscar 1987 du meilleur film, la superstar américaine du rire Eddie Murphy, numéro un au box-office, profite de cette tribune pour interpeller des millions de téléspectateurs sur le racisme à Hollywood. Jamais nommé encore, l’artiste use de cet humour sans filtre qui l’a porté au sommet pour pointer, une fois de plus, ces discriminations que son pays ne veut pas voir. De ses débuts dans le stand-up new-yorkais, à l’aube des années 1980, à son arrivée dans la célèbre émission Saturday Night Live, il s’est imposé très vite comme une référence, porté par son talent comique et son art de la parodie et du déguisement. Très loin des clichés auxquels les acteurs noirs sont souvent cantonnés à l’écran, son premier rôle au cinéma, en truand ultrasûr de lui pour 48 heures, de Walter Hill, lui apporte la gloire mondiale. Quarante ans plus tard, avec dans sa filmographie longue comme le bras des blockbusters comme Un fauteuil pour deux, Le flic de Beverly Hills ou encore Le professeur foldingue, Eddie Murphy reste la star noire la plus populaire que l’Amérique ait jamais connue, et a su faire rire d’elle-même une société blanche gangrénée par le racisme.

Humour noir

Comment se faire une place en tant que comédien racisé dans des milieux aussi influents, donc difficiles d’accès, que le show, la télévision et le cinéma ? « À trois, je veux que tout le monde crie ‘négro !’ », apostrophe-t-il le public principalement blanc de ses premières scènes new-yorkaises qui, loin de fuir ses provocations, en redemande. Composé d’extraits des meilleurs sketchs, des films et des interviews d’un “prince” devenu icône de la pop-culture, ce portrait retrace en arrière-fond l’histoire de la communauté afro-américaine, tiraillée entre soif de reconnaissance et révolte. Eddie Murphy serait-il devenu complaisant à force de succès, comme l’en ont accusé certains militants ? En lui décernant en 2015 le prix Mark-Twain, des humoristes noirs à la corrosivité patentée, Arsenio Hall, Chris Rock ou Dave Chappelle, ont revendiqué en tout cas son héritage, estimant qu’il leur avait “ouvert la porte”.

Documentaire d’Antoine Coursat (France, 2023, 53mn)