Passée la liesse engendrée par la capitulation nazie, c’est une Europe dévastée qui, en mai 1945, émerge de six années d’un effroyable conflit. Étayé par les souvenirs d’enfance de témoins de plusieurs pays et illustré d’archives rares, le tableau édifiant d’un après-guerre englué dans les ténèbres.

Partout sur le continent, des villes et des villages sont sinistrés, des routes, minées, des ponts, détruits. Prisonniers de guerre, rescapés des camps de concentration ou de travail forcé, populations allemandes expulsées des territoires occupés par l’ex-Grand Reich, Baltes ou Polonais fuyant l’occupation soviétique… : des millions de personnes « déplacées » aspirent à retrouver un foyer qui bien souvent n’existe plus. En février 1945, à la conférence de Yalta, Roosevelt, Churchill et Staline ont redessiné les frontières de nations entières qu’ils se sont, avec la France, partagées en zones d’influence. Pour les populations civiles, livrées à elles-mêmes, le manque de ravitaillement s’accompagne de pillages et de vagues de famine, la vengeance contre les anciens oppresseurs ou leurs collaborateurs se manifeste par des exactions sauvages, tandis que des pogroms ensanglantent encore des régions d’Europe centrale.

Traumatismes refoulés 

Réunissant des archives rares, puisées dans différents fonds européens et contextualisées par l’historien britannique Keith Lowe, auteur notamment de L’Europe barbare – 1945-1950 (éd. Perrin), Kurt Mayer raconte l’immense chaos qui a perduré des années durant après la fin du second conflit mondial. Nourri des souvenirs de témoins originaires de plusieurs pays, parmi lesquels le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, dont les parents sont morts en déportation, son film témoigne des multiples traumatismes vécus par des millions d’enfants, et qui, longtemps tus ou refoulés, auront marqué les générations suivantes.

Documentaire de Kurt Mayer (Autriche, 2022, 1h29mn)
Disponible jusqu’au 02/02/2023