Dans un Soudan où la liberté de créer est corsetée, quatre amis rêvent à des films qu’ils ne tourneront jamais et tentent de rénover une salle de projection. Une ode au septième art et un conte documentaire palpitant.

Ibrahim, Manar, Soliman et Altayeb ont en commun d’être des cinéastes interdits de tourner des films. Amis et complices de longue date, ils tentent de réaliser un vieux rêve : faire revivre le cinéma dans leur Soudan natal, pays totalitaire où l’austérité de la religiosité s’accroît, encouragée par le régime. Malgré la censure du dictateur Omar el-Béchir, qui a exigé la fermeture des salles en 1989 (il sera destitué en 2019), ces membres de l’improbable Sudanese Film Group veulent rendre à nouveau les films accessibles au public. Résistant aux interdictions, aux tempêtes de sable, aux inondations et aux incessantes coupures de courant,  ils sillonnent le pays dans leur van, espérant lever des fonds pour rénover un cinéma délabré. Acheter un nouvel écran capable de résister au vent et organiser une projection publique à Omdourman : quel meilleur legs symbolisant la liberté et le combat pour les générations futures ?

Le cinéma au-delà de la dictature

Réalisateurs sans matériel dans un pays qui les empêche de pratiquer leur métier, les quatre amis savent comment entretenir la flamme : ils jouent des séquences qu’ils ne pourront jamais tourner. Ils montent sur une grue fictive, miment les mouvements d’une caméra imaginaire et dirigent des acteurs fantômes. Ce “cinéma de la parole”, comme ils l’appellent de façon ironique, nourrit leur passion de conter en activant la puissance de leur imaginaire. Par le symbolique, Ibrahim, Manar, Soliman et Altayeb prennent leur revanche sur un régime despotique qui veut éteindre la liberté d’expression comme on débranche un projecteur. Filmé en cinéma direct, au plus près des protagonistes et de leur activisme renversant, Talking about Trees oscille entre conte et documentaire, intégrant des éléments de fiction, avec, en arrière-plan, une situation politique désastreuse. Un film sur le désir de cinéma, irréductible, incontrôlable, et le bonheur de montrer.

Documentaire de Suhaib Gasmelbari disponible jusqu’au 08/10/2022.