Les passagers, un roman au goût extraordinaire

Et si la littérature avait des pouvoirs extraordinaires ? Ce qui est sûr, c’est que le premier roman de Julia Brandon a le pouvoir d’emmener le lecteur, pour l’emmener dans un monde à la fois contemporain et loin des tyrannies de la réalité. Dans la vallée de Pallia dépeinte par la jeune romancière, la confiserie est un poumon économique pour la région, mais aussi d’accéder à d’autres couches de réalité, pour peu que les Rattrape-Souvenirs, ou autres bonbons d’oubli, nous fassent de l’effet.

Il s’agit de votre premier roman. Pouvez-vous me raconter votre parcours d’écrivaine ?

J’écris depuis que j’ai sept ans. J’ai écrit mon premier roman à cet âge-là, c’était complètement absurde mais c’était rigolo (rires). C’était absurde mais structuré.

Est-ce qu’il y a des choses qui vous inspiraient à sept ans et qui perdurent jusqu’à aujourd’hui ?

C’était fantastique déjà. C’était l’histoire d’un nid de dinosaures dans le désert, et il y avait aussi une rencontre avec un pingouin, c’était improbable (rires). Bref, j’ai toujours écrit. Après, j’ai participé aux ateliers du prix du jeune écrivain, à Lombez dans le sud-ouest, de mes douze ans jusqu’à mes quinze ans. Il s’agit de semaines de stage animées par des auteurs. J’en ai réalisé plusieurs, et à douze ans j’étais d’ailleurs la plus jeune. Deux années consécutives, deux de mes nouvelles ont été publiées, donc quatre en tout. J’ai continué mais sans vraiment chercher à être publiée, et puis j’ai fait un stage chez la maison d’édition Actes Sud, sous la direction de Jean-
Marc Dabadie. Il avait lu mes nouvelles, et il m’avait dit que je devais continuer à écrire. Jusqu’à aujourd’hui, ce sont ses encouragements qui m’ont motivée : j’ai toujours sa petite voix dans ma tête, qui me dit qu’il faut que je continue à écrire. J’aimerais bien le retrouver mais je ne sais pas où il est.

C’est donc quelqu’un qui a beaucoup compté pour vous ?

Oui, car il avait très vite cerné qui j’étais. Quand je lui ai dit que je voulais entrer en classe préparatoire littéraire, il m’a dit que j’allais m’ennuyer et que ça allait pas me correspondre. Je suis allée en classe prépa, et je me suis rendue compte qu’en effet, ce n’était pas pour moi. J’aimerais bien le retrouver mais je sais pas où il est.

Comment vous est venue l’idée de ce roman ?

J’ai repris l’écriture parce que j’avais fini de me construire personnellement. Je me suis dit que ça y est, j’avais un diplôme, un métier, une famille, et que je pouvais me remettre à l’écriture. Ça a été un peu cela le cheminement personnel. Concernant l’idée du livre, ce qui est drôle, c’est que je ne lis pas du tout de fantastique. L’idée du voyage dans le temps, je l’ai plutôt découverte par le cinéma. Notamment grâce à mon mari, qui m’a amenée à voir des films comme « Edge of Tomorrow », avec Tom Cruise, ou « l’effet papillon », avec Ashton Kushter, par exemple. J’ai brodé autour de cette idée. Par ailleurs, le livre parle beaucoup de moi, parce que j’ai un CAP pâtissier,
j’ai fait des études de lettre, et j’ai aussi été un peu libraire. Il y a donc beaucoup de vous dans ce roman ?

Oui, partout, dans tous les personnages (rire), mais comme c’est le cas pour beaucoup d’auteurs. « j’ai commencé à écrire une autre partie, parce que les personnages me manquaient »

Oui, c’est d’ailleurs peut-être ce qui donne une part de la motivation à écrire. Oui, et c’est d’ailleurs pour cela que j’ai commencé à écrire une autre partie, parce que les personnages me manquaient. Je me suis dit qu’il fallait que je retrouve mes personnages. Ce ne sera pas la suite, mais la genèse, les prémisses de ce premier livre.

Est-ce que certains auteurs vous ont servi de modèles ou de références, dans certaines étapes de l’écriture de ce livre ?

Oui, ou en tout cas qui m’ont servi pour écrire. Par exemple, le passage où Calliste va rencontrer Félix et où il déverse un peu toute la haine qu’il a contre ce gamin, j’avais dans la tête le passage des Confessions de Jean-Jacques Rousseau, où il doit avouer qu’il a cassé le peigne de Mademoiselle Lambersier, alors que ce n’est pas lui. J’avais ce passage là dans la tête. Ou un autre exemple, c’est Camus : quand j’ai écrit les passage où Hector marche sur le bord de la route, face au soleil, j’avais en tête la scène de l’Étranger de Camus où il marche sur la plage, et où il ne voit rien. Après, il y a des références à des films aussi, je me suis amusée à caser des répliques
de films, du « Dîner de cons » par exemple. Je me suis fait des délires toute seule (rires). Je me suis amusée aussi sur l’étymologie des prénoms, pour que ça ait un sens. Par exemple avec Aléthée, en grec, alètheia signifie la vérité. Et je trouvais ça rigolo qu’elle ait ce nom par rapport au rôle qu’elle a. Ou Séraphine, ça vient de saraph qui en hébreu veut dire brûlant, et je trouvais ça rigolo. Il y a aussi la gématrie (ndlr : Procédé fréquent dans la Bible et chez les Pères de l’Église, qui consiste à relier un nombre à un mot dont on additionne les valeurs numériques etsymboliques de chaque lettre) du prénom David, qui fait référence à un événement précis. 

A l’instar des personnages de votre roman, quel pouvoir magique aimeriez-vous avoir ?

Moi j’aimerais avoir le pouvoir d’invisibilité, comme Amarin.