Tissée de répressions et de désastres militaires, mais aussi de victoires décisives, l’histoire de l’Armée rouge épouse celle de l’URSS. Michaël Prazan en restitue les grandes étapes dans cette fresque dense pour déconstruire un mythe insubmersible.  Créée par Trotski en 1918, dans un contexte de guerre totale contre une partie de la population russe et des puissances étrangères, l’Armée rouge doit rapidement abandonner ses idéaux égalitaires et démocratiques. Le rationnement provoque dans les campagnes des mouvements de révolte contre le jeune État communiste. En 1920, pour mater la rébellion de Tambov, l’ancien officier tsariste Mikhaïl Toukhatchevski, mandaté par Lénine, largue des gaz toxiques sur les villageois. Deux ans plus tard, l’Armée rouge sort renforcée de sa victoire contre les « blancs », qui met un terme à la guerre civile. Sa puissance inquiète Staline qui, au début des années 1930, s’arroge progressivement les pleins pouvoirs. Il fait exécuter Toukhatchevski et purge son état-major lors de la « Grande Terreur » (1937-1938). Lorsque l’Allemagne envahit l’URSS en juin 1941, l’Armée rouge, privée de commandement, est exsangue. Mais les grandes batailles, de Moscou à Stalingrad, et une habile propagande vont enflammer le patriotisme de tout un peuple. Composé par Alexandre Aleksandrov, le fondateur des Chœurs de l’Armée rouge, l’hymne de l’Union soviétique adopté par Staline en 1944 continue sous Poutine de galvaniser les Russes. Mais l’Armée rouge, statufiée pour avoir vaincu le nazisme, n’a jamais retrouvé sa puissance d’alors. Balayant près d’un siècle d’une histoire émaillée de défaites militaires, d’exécutions sommaires, de purges et de maltraitance des troupes, Michaël Prazan (La passeuse des Aubrais, 1942) déconstruit dans un récit épique, nourri d’extraits de lettres et de journaux intimes de hauts gradés et d’anonymes, le mythe savamment entretenu d’une armée auréolée de gloire. Documentaire de Michaël Prazan disponible jusqu’au 13/12/2021.