Digne successeur des grands maîtres (Buster Keaton, Charlie Chaplin, Stan Laurel), Jerry Lewis a passé sa vie au service du divertissement. Comique, cinéaste, producteur, philanthrope… : qui se cache derrière le masque élastique de l’as de la maladresse ? Retour sur une carrière à rebondissements. C’est le visage des empotés, des pitres, des souffre-douleur, toujours au mauvais endroit au mauvais moment… Dès les années 1940, Jerry Lewis connaît un succès public fulgurant, notamment grâce à son duo avec Dean Martin. Mais son passage derrière la caméra, début 1960, brouille les pistes et braque les critiques sur sa légitimité à se proclamer « cinéaste », malgré la technicité et l’originalité extraordinaires dont il fait preuve dans sa mise en scène. Dès lors, Jerry Lewis entame un bras de fer avec les studios de Hollywood, pour lesquels il écrit, produit et réalise des œuvres singulières, comme « Le tombeur de ces dames » ou « Docteur Jerry et Mister Love », connaissant la gloire et gagnant le respect en Europe, tout en étant simultanément rejeté par les critiques et le public américains. « Le plus pur comique, c’est celui qui se passe du verbe », commente Pierre Étaix, l’un des nombreux intervenants, en entretien ou en archives – aux côtés, entre autres, de Martin Scorsese et Jean-Luc Godard –, du documentaire de Gregory Monro. Digne successeur des grands maîtres (Buster Keaton, Charlie Chaplin, Stan Laurel…), Jerry Lewis a passé sa vie au service du divertissement. Mais s’il a fait de son corps l’arme polymorphe d’un burlesque qui s’embarrasse rarement de mots, c’est aussi pour mettre face à elle-même une Amérique oublieuse de ses plus faibles. Une des raisons, peut-être, du peu de succès rencontré dans son propre pays et du triomphe que lui a réservé l’Europe, notamment la France, où les cinéastes de la Nouvelle Vague ont salué en lui un pair, satiriste brillant, émouvant et hilarant, de son temps. Documentaire de Gregory Monro (disponible jusqu’au 31/12/2021.