Les Neuchâtelois ont Préfargier ; les Vaudois, Cery ; les Fribourgeois, Marsens ; les Valaisans, Malévoz et les Genevois, Belle-Idée. Des noms d’établissements psychiatriques, qui résonnent dans toute la Suisse romande. Mais il y en a un qui évoque un mélange de crainte et de mystère : Bellelay, un lieu chargé d’histoire, de souffrance mais aussi de solidarité humaine.

Bellelay, c’est d’abord un bâtiment impressionnant, une abbaye construite au 12ème siècle, un joyau baroque au cœur d’un écrin de verdure, transformé au 19ème siècle en hôpital psychiatrique. A l’époque et durant plus d’un siècle, on y enferme ceux que l’on considère comme des fous, à qui l’on prodigue des soins, mais qu’il faut tenir à l’écart. Jusqu’à la fin des années 70, la maladie mentale fait peur, l’hôpital pratique un univers carcéral où les soignantes et soignants sont perçus comme des mâtons. « Finir à Bellelay », dans le Jura et le Jura bernois, fait figure de malédiction, adressée aux cancres et aux chenapans.

Aujourd’hui, l’établissement psychiatrique de Bellelay ferme ses portes, il quitte la paix et l’isolement des champs pour s’installer en ville, à Moutier voisine de 10 km. L’occasion pour notre réalisateur Cédric Louis de passer plusieurs semaines aux côtés des patients, des soignants et des cadres de ce qu’on appelait alors « l’asile ». Une plongée exceptionnelle pour constater combien l’univers de la psychiatrie s’est transformé. Désormais, les patients n’ont plus honte de regarder la caméra droit dans les yeux. « On n’est pas fous, on a juste plus de peine à gérer nos émotions », dit une patiente.

Précisons encore que ce reportage est né à l’invitation de la Direction de l’Hôpital de Bellelay, qui souhaitait laisser une trace patrimoniale, dans ce moment important de l’histoire d’une région. A Temps Présent, nous avons accepté avec joie ce projet, sur lequel notre réalisateur a pu travailler en totale liberté. Nous avons cependant respecté l’anonymat des patients qui le souhaitaient. Nous remercions chaleureusement toutes celles et ceux qui nous ont fait confiance.

Un reportage de Cédric Louis.