En 2016, en pleine campagne électorale, Claus Drexel s’était immergé dans une bourgade de l’Arizona, à l’écoute de cette Amérique blanche laissée-pour-compte qui a porté le magnat au pouvoir. Entre chômage, hantise de l’insécurité, culte des armes, fierté de leur mode de vie et attachement à leur bout de terre, ces oubliés du rêve américain confient leur souffrance et leurs colères. Sur le qui-vive, Sandy Coleman, une ancienne combattante du Viêtnam et de l’Afghanistan, scrute longuement derrière sa vitre. Rassurée, elle présente « Beauté noire », son Ruger .22 qui ne la quitte jamais. « Avoir des armes est un droit constitutionnel », rappelle George Seff, membre à vie de la NRA (National Rifle Association), planté devant son impressionnante collection de gros calibres. Posant devant un vieux bus scolaire qui rouille au soleil, Jean Brown, membre de l’Église du Calvaire, l’assure : « On ne passe pas la frontière pour fuir d’ici, ce sont les gens du monde entier qui la passent pour venir ici. » Après un accident, Corinne Kurzmann, qui a élevé seule ses cinq enfants, s’est installée pour son climat à Seligman, qu’elle surnomme « l’île des jouets cassés ». Elle ne le regrette pas, contente d’être à deux heures de voiture de Las Vegas ou de Phoenix. À l’horizon, un train file vers le lointain. Mais il y a bien longtemps que la gare, ancien nœud ferroviaire d’importance, a fermé et que les convois ne s’arrêtent plus dans ce coin perdu d’Arizona. Au bord de la mythique Route 66, on ne croise que des boutiques aux volets clos et des habitants restés à quai, frappés par la désindustrialisation. À l’automne 2016, alors que les États-Unis s’apprêtaient, contre toute attente, à élire Donald Trump, le documentariste allemand Claus Drexel (Au bord du monde) s’est immergé à Seligman dans cette Amérique blanche laissée-pour-compte qui a porté le magnat au pouvoir. Entre chômage, hantise de l’insécurité, culte des armes, fierté de leur mode de vie et attachement à leur bout de terre, ces oubliés du rêve américain confient leur souffrance et leurs colères, leur nostalgie et leurs espoirs. Le portrait choral saisissant d’un pays à part, qui ne se résout pas à disparaître. Documentaire de Claus Drexel.