Au 11 janvier -49, un événement majeur bouleverse le cours de l’histoire de Rome et marque le début de la fin de la République romaine : Jules César traverse le Rubicon. Cet acte audacieux et lourd de conséquences précipite la chute de l’un des systèmes politiques les plus influents de l’Antiquité. Mais pour bien comprendre l’importance de ce geste, il faut remonter aux origines des tensions qui agitaient Rome et aux forces en présence à cette époque.
La république romaine au bord du gouffre
Au début du premier siècle avant Jésus-Christ, la République romaine vacille. Après avoir survécu à la dictature implacable de Sylla, Rome est ensuite secouée par la révolte de Spartacus en -71, un soulèvement d’esclaves qui ébranle l’ordre établi. Mais ce ne sont pas les seuls troubles qui agitent la République. Les intrigues politiques se multiplient, et plusieurs factions se disputent le pouvoir. Catilina, célèbre pour ses conspirations, tente de prendre le contrôle. Ces luttes internes affaiblissent progressivement la République.
C’est dans ce contexte qu’en -60 trois personnages influents de la scène romaine décident de former une alliance stratégique pour concentrer entre leurs mains l’essentiel du pouvoir : Crassus, célèbre pour avoir écrasé la révolte de Spartacus, Pompée, et Jules César. Ce trio, connu sous le nom de Premier Triumvirat, va dominer la scène politique de Rome. Jules César, membre de la prestigieuse famille des Julii, s’était distingué par son opposition à Sylla et devient rapidement le leader du parti populaire, ou du moins de ce qu’il en reste.
Les campagnes militaires de César
Une fois nommé consul en -48 après son entrée dans le Triumvirat, Jules César se voit attribuer la charge de pro-consul de la Gaule cisalpine et de la Gaule narbonnaise. Cette fonction lui donne les moyens de se lancer dans une des campagnes les plus fameuses de l’histoire : la guerre des Gaules. Initialement, cette campagne militaire semble être une simple expédition pour asseoir la domination romaine sur les territoires au nord de la péninsule italienne. Mais très vite, elle s’avère bien plus longue et ardue que prévu. En -51, après plusieurs années de combats acharnés et le fameux siège d’Alésia, César finit par triompher des peuples gaulois.
Les conséquences de cette guerre sont dramatiques pour la Gaule : on estime qu’environ un million d’hommes ont péri au cours de ces affrontements. Cette victoire assoit la réputation de César à Rome, mais elle sème également les graines de nouvelles tensions politiques, tant à Rome qu’au sein du Triumvirat.
Le Triumvirat se fracture
Pendant que César est engagé dans ses campagnes militaires en Gaule, la situation évolue rapidement à Rome. En -53, Crassus est tué lors d’une expédition contre l’armée Parthe menée par le roi Horode II. Cette perte affaiblit considérablement l’alliance du Triumvirat. Par ailleurs, Julia, la fille de César, qui avait été mariée à Pompée pour consolider leur alliance politique, meurt également. Cette disparition prive Pompée et César d’un lien familial crucial qui avait jusque-là maintenu une certaine stabilité entre eux.
En l’absence de César, Pompée profite de la situation pour renforcer sa position politique. Déjà respecté pour ses victoires passées contre Mithridate, le roi du Pont, il bénéficie du soutien du Sénat et du célèbre orateur Cicéron. Il se fait appeler Princeps, ce qui signifie « le premier des citoyens ». Pompée est alors une figure centrale de la vie politique romaine et se pose comme un défenseur de la République face aux ambitions grandissantes de César.
Le choix décisif de César
Lorsqu’en -49, César approche des frontières de la péninsule italienne avec sa légion, la situation devient critique. Le Sénat, sous l’influence de Pompée, rappelle qu’il est strictement interdit de ramener une armée sur le sol italien sans l’autorisation du Sénat. Cette approbation est, sans surprise, refusée à César. Le général est sommé de se présenter seul à Rome, sans son armée, s’il souhaite reprendre ses anciennes fonctions, y compris le titre de Consul.
Mais César sait que cette exigence n’est qu’un prétexte pour le neutraliser politiquement. Ramener son armée en Italie constitue un acte de rébellion clair, un coup d’état contre les institutions républicaines. Pourtant, César refuse de se soumettre à ces injonctions. Il prend alors une décision qui marquera l’histoire : il traverse le Rubicon avec la 13ème légion. Selon la légende, en franchissant cette rivière, César aurait déclaré en grec « Anerrifthô Kubos », traduit en latin par Alea Jacta Est, ce qui signifie « le dé est jeté ».
Les conséquences de la traversée du Rubicon
La traversée du Rubicon, petite rivière qui marque symboliquement la limite entre la Gaule cisalpine et le Latium, déclenche une véritable guerre civile. En franchissant cette frontière à la tête de son armée, César se lance dans une course contre la montre pour prendre le contrôle de l’Italie, alors faiblement défendue. Rapidement, il marche sur Rome, où Pompée, pris de panique, fuit en Grèce pour tenter de rassembler des forces.
En l’espace de seulement deux mois, César devient maître de l’Italie. Toutefois, la guerre est loin d’être terminée. César doit encore faire face aux troupes de Pompée, qui ont pris position dans Marseille. Ce conflit fratricide ne s’achèvera qu’en -48 avec la mort tragique de Pompée, assassiné en Égypte le 30 septembre -48.
Ainsi, la traversée du Rubicon par César n’est pas seulement un événement militaire. C’est un acte symbolique qui marque la fin de la République romaine et le début d’une période de guerres civiles, aboutissant à la naissance de l’Empire romain sous le règne de César et, plus tard, de son fils adoptif Auguste.