Auprès de témoins à la mémoire intacte, une bouleversante immersion dans un centre d’enfants réfugiés de l’après-guerre, animé par une femme d’exception, Greta Fischer, juive tchécoslovaque dont les parents ont péri en déportation. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, plus de 20 millions de personnes sont jetées sur les routes, entraînant la plus grande crise de réfugiés de l’histoire moderne en même temps que la première opération humanitaire internationale. Comme 20 000 enfants perdus dans les ruines de l’Europe, oubliés dans l’euphorie de la Libération, Leslie, Erwin, Tibor et les autres, orphelins juifs rescapés des camps de la mort ou slaves déracinés, tentent de survivre au chaos. À l’été 1945, ils sont accueillis dans un couvent désaffecté à Indersdorf en Bavière, le premier centre d’enfants réfugiés ouvert par l’Unrra, l’Administration des Nations unies pour le secours et la reconstruction. Autour de la figure maternelle de Greta Fischer, juive tchécoslovaque dont les parents ont péri en déportation et qui se consacre à eux corps et âme, les petites victimes, lestées des cauchemars du passé, réapprennent à vivre et à espérer en une vie nouvelle. Composant aujourd’hui une communauté secrète et éclatée, des États-Unis à la Pologne en passant par l’Angleterre et Israël, où certains ont fondé des kibboutzim, ils racontent, mémoire et émotion intactes, cet épisode méconnu de l’immédiat après-guerre, jusqu’au retour à leur terre natale, à l’alyah ou au départ vers un autre pays. Au fil de leurs bouleversants récits tissés avec de formidables archives – dont le témoignage limpide de Greta Fischer, leur mère adoptive disparue en 1988 – qui restituent au plus près leur quotidien, ce film plonge dans l’histoire de cette « cour de Babel », qui accueillera finalement plus d’un millier d’orphelins. Les cheveux blancs mais le verbe alerte, ces anciens d’Indersdorf disent le goût de l’enfance et l’humanité retrouvés, la rage de vivre qui les animait, les liens indéfectibles noués ou les quignons de pain chapardés par peur de manquer. À l’heure où l’Europe vit une effroyable crise des réfugiés, un hommage sensible à ces résilients et à leurs sauveurs, pionniers du travail humanitaire déjà confrontés au cynisme des grandes puissances. Documentaire de Théo Ivanez.