En vingt ans de carrière, Martin Margiela a réussi le tour de force de révolutionner la mode sans jamais renoncer à l’invisibilité derrière laquelle il s’est réfugié. Retour sur la vie d’un créateur aussi secret qu’influent, un peu plus d’une décennie après son retrait du monde de la mode. « C’est difficile de se faire un nom si les gens ne peuvent pas mettre un visage dessus », admet-il. En vingt ans de carrière, Martin Margiela a pourtant réussi le tour de force de révolutionner la mode sans jamais renoncer à l’invisibilité derrière laquelle il s’est réfugié. Né en 1957 à Louvain, d’un père polonais et d’une mère belge, l’énigmatique couturier, qui a découvert sa vocation à 7 ans en admirant un défilé Courrèges à la télévision, s’est formé à l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers et a été l’assistant de Jean Paul Gaultier avant de fonder sa propre maison en 1987, avec Jenny Meirens. Pull en chaussettes militaires, corsages en sacs plastique, défilés sur un terrain vague ou dans un parking sous-terrain, mannequins aux visages masqués… : au fil de ses provocations, Martin Margiela a fait valser les excès des années 1980 en imposant une mode conceptuelle, portée sur le blanc, l’inachevé, le recyclage ou encore le trompe-l’œil. Son avant-gardisme ne l’a pas empêché de dessiner douze collections pour la marque Hermès, de 1998 à 2004. Quatre ans plus tard, avec un « courage exemplaire », selon les mots de Jean Paul Gaultier, qui témoigne dans le film, Martin Margiela faisait ses adieux discrets à la mode pour préserver son indépendance, à l’occasion du défilé des 20 ans de sa maison rachetée par Renzo Rosso, le patron de Diesel. Tandis que ses belles mains s’appliquent à étaler des paillettes sur un buste de mannequin ou à feuilleter les pages du cahier dans lequel, enfant, il façonnait des silhouettes avec les chutes de tissus de sa grand-mère couturière, Martin Margiela, de sa voix posée à l’accent anglais traînant, se livre avec une touchante sincérité devant la caméra de Reiner Holzemer. Exhumant ses archives, minutieusement classées dans des boîtes blanches, celui qui se consacre aujourd’hui à la peinture et à la sculpture replonge dans ses jeunes années et passe en revue ses collections, de leur conception à leur réception. Mêlé à des images d’archives, des animations et de nombreux éclairages (l’historien de la mode Olivier Saillard, la prévisionniste des tendances Lidewij Edelkoort, la papesse du style Carine Roitfeld…), ce témoignage exceptionnel dessine le portrait, toujours sans visage mais d’une grande intimité, du créateur le plus influent et mystérieux de sa génération. Documentaire de Reiner Holzemer disponible jusqu’au 22/10/2021.