Quelles relations entretenons-nous avec les objets ? Les chaudières, les valises, les tablettes numériques, les parapluies ? Toutes ces choses précieuses ou banales que nous utilisons chaque jour pour nous faciliter la vie, mais auxquelles on accorde peu d’attention. Peut-on continuer à les balancer à la déchèterie dès qu’ils ont la batterie qui flanche, ou une rayure sur la carlingue ? Alors que l’on sait pertinemment que les ressources naturelles nécessaires à leur fabrication s’épuisent ? que les tortues marines nagent au milieu de carcasses de frigos ? Pourquoi sommes-nous si infoutus de les dépanner ? De s’intéresser à ce qui se passe sous leur capot, dans les tréfonds de leurs mécanismes ? Et est-ce qu’un objet nous appartient vraiment si on est incapable de le réparer ?

Aux prises avec un lave-vaisselle agonisant, Delphine Saltel consacre un épisode à l’importance de la maintenance de nos objets. Les gestes que l’on est censé déployer pour faire durer les choses, mais que l’on fait si peu ou si mal. Dans une société de consommation obsédée par l’innovation, ça ne passionne pas grand-monde de décrasser le filtre de son aspirateur ou de passer un coup de percarbonate de soude sur les joints de sa salle de bains. Pourtant, Jérôme Denis et David Pontille, deux sociologues rattachés à l’école supérieure des Mines, ont consacré des années d’enquête à cette activité banale et invisible : l’art de faire durer les choses. D’en prendre soin. Ils montrent à quel point c’est une pratique politique et subversive, une autre manière d’être attentif au monde, à sa fragilité et à ce qui nous arrive.

Avec :
– David Pontille, directeur de recherche au CNRS, co-fondateur d’un p