Faut-il attendre de planquer des mignonnettes de vodka dans le placard de sa salle de bains pour considérer qu’on a un problème avec l’alcool ? Tout le monde lève le coude, mais personne ne tombe jamais vraiment d’accord sur la définition de l’alcoolisme. Est-ce boire tous les jours ? Boire seul ? Avant 18h ? Chacun y va de sa petite frontière personnelle entre le bon vivant et le pochtron qui doit partir en désintoxication. En se focalisant comme ça sur la déviance des normes sociales, on évite de réfléchir à ce qui se passe avant l’enfer de l’addiction, dans la zone grise de nos consommations ordinaires : cette alcoolisation ambiante et totalement banalisée dans laquelle on trempouille quotidiennement avec notre religion bien franchouillarde de l’apéro, du pot de départ ou du dîner bien arrosé. On vit tellement immergés là-dedans, partout, tout le temps, qu’on ne réfléchit plus à ce que ça nous fait à tous, collectivement.

Sans attendre le Dry January pour s’atteler à la réflexion, Delphine Saltel a lu Jour Zéro, le journal de bord que l’autrice Stéphanie Braquehais s’est mise à tenir quand elle a décidé d’arrêter de boire. Au fil des jours de sobriété, elle arrive à s’extirper peu à peu des automatismes de consommation et de la convivialité éthylique pour regarder notre apérocratie en face.