Elle disait : « Pour certains c’est un rassemblement de fantassins, pour d’autres de cavaliers, pour d’autres de navires, qu’ils disent être, sur la terre noire, ce qu’il y a de plus beau ; mais moi je dis c’est l’être qu’un être désire.  » (traduction de Jackie Pigeaud.) Sapphô de Mythilène, qui vivait au VIIè siècle avant notre ère dans l’île de Lesbos, est pour tous la poétesse de l’amour et du désir. Son poème « L’égal des dieux », ou « Ode à l’aimée », selon le titre qu’on lui donne, n’a-t-il pas traversé les siècles, depuis Catulle jusqu’à nos auteurs ou traducteurs très contemporains, dans plus d’une centaine de traductions ou de variantes ? Sapphô est la première femme de l’Antiquité à dire  » je « , cela transparaît d’évidence dans ses textes. Pourtant ce qui nous est parvenu d’elle est loin d’être une oeuvre complète ; nous savons qu’il y avait neuf livres, mais il y a extrêmement peu de poèmes entiers. Nous disposons d’un ensemble de fragments, de mots, de vers tronqués, constellation de signes sur la page, reconstruction de tous ceux qui, depuis la Renaissance, ont redonné vie sur le papier à ce qui était un genre oral à son époque. Et quand les chercheurs découvrent, comme cela s’est produit en 2004, un papyrus qui comble des lacunes, ils sont heureux de pouvoir confirmer certaines hypothèses qu’ils avaient prudemment formulées. Quant à sa vie, elle nous est connue de façon tout aussi fragmentaire et hypothétique, par des témoignages de l’Antiquité, mêlant souvent réalité et légende. Alors que faire quand on lit Sapphô, sinon un long poème de ses poèmes ? Que faire, sinon chanter cette poésie du souffle et de l’intérieur ?